Accueil > S3 > Catégories > PsyEN EDO > Entretien d’orientation en 3ème : de quoi parle-t-on ?

Le B.O. du 21 décembre 2006 définit pour l’entretien d’orientation deux objectifs :
« Faire le point sur l’étape actuelle du parcours de formation de l’élève et envisager ses projets de poursuite d’études en examinant tout le champ des possibles, à l’occasion d’un rendez-vous formalisé auquel (les) parents ou représentants légaux pourront assister. »

Or, le terme d’entretien d’orientation est un terme « professionnel » qui fait référence à une démarche mise en œuvre par les Co-Psy pour aider l’élève à se projeter dans l’avenir, à élaborer progressivement un ou des projets d’avenir, à y puiser des ressources pour s’engager dans ses études et y réussir.

Pour mener ce travail, les CO-Psy s’appuient sur leur formation de psychologue (à Bac + 5) qui leur donne les compétences professionnelles nécessaires à cet exercice complexe ainsi que sur une mise à jour régulière de leurs connaissances et sur une expérience quotidienne de l’entretien, cœur du métier du psychologue. Ils intègrent, de plus, dans leur approche, tous les savoirs pluridisciplinaires dans le domaine de l’éducation et du monde professionnel, qui les rendent attentifs aux enjeux personnels et sociaux de l’orientation de chaque jeune.

Pourquoi n’est il pas possible de former les enseignants à « l’entretien d’orientation » ?
L’administration demande aux CO-Psy de mettre en place des formations à l’entretien d’orientation pour les professeurs. Les plans de formation continue prévoient des formations à l
entretien. Certains Recteurs veulent mettre en ligne des « outils » afin d’aider les enseignants.

Mais la démarche d’entretien ne se construit pas à partir de recettes (comment se tenir et s’adresser face aux parents ? Quelles « bonnes » questions poser pour faire les « bons » diagnostics ? Comment faire passer un message ?). Elle ne se limite pas à un cadre favorisant la discrétion des échanges.

Elle suppose d’abord de définir des objectifs qui soient cohérents avec le positionnement et la formation de celui qui écoute. Si le premier objectif relève bien de la pratique courante des professeurs principaux de 3ème le second nécessiterait une formation approfondie et des réactualisations régulières.

L’entretien n’est pas une conversation. Il nécessite une posture et la possession d’un ensemble de connaissances théoriques et méthodologiques qui permettent « d’entendre » ce qui est dit par chaque personne dans sa singularité. Il suppose une demande, une attente que les CO-Psy peuvent faire émerger et travailler avec l’élève et ses parents. Manifestement la procédure mise en place ignore totalement cette dimension.

De plus, les enseignants sont dans l’institution scolaire en position d’évaluateur. On ne peut faire comme si cette fonction n’avait aucune incidence sur le déroulement d’un entretien avec l’élève et sa famille. Il serait vain de croire qu’en demandant aux enseignants de « s’éloigner du scolaire » pour conduire l’entretien, on les transformerait en conseillers. Bien au contraire, on les priverait de ce qui constitue leurs repères et légitime leurs prises de position sur l’orientation des élèves.

Or, le texte demande aux professeurs principaux de s’appuyer sur « les expériences vécues par les élèves » notamment à l’occasion de séquences d’observation en entreprise, pour les conseiller. Mais sur quoi pourrait s’établir ce conseil si ce n’est sur l’attrait ou le désintérêt exprimé par l’élève (sachant, en outre, que fort peu d’élèves ont l’occasion d’effectuer leur stage dans un secteur ou auprès d’un professionnel correspondant à leur projet) ? De quels éléments disposeront les enseignants pour replacer ce qui est énoncé dans la dynamique de développement des projets à l’adolescence et dans le champ de la connaissance des métiers ?

On ne s’improvise pas conseiller d’orientation–psychologue. C’est une fonction correspondant à une formation spécifique de haut niveau.

Envisage-t-on sérieusement de doter en quelques heures les professeurs principaux de ce bagage théorique et pratique équivalent à 1000 heures de formation aboutissant au DECOP, auquel s’ajoutent les temps de formation continue et l’expérience quotidienne ? Cette volonté du MEN, dictée uniquement par la politique de suppression des emplois, satisfait les cabinets privés de « coaching en orientation » qui, eux, mettent en avant les services de leurs psychologues pour répondre aux demandes des familles. Alors, qui en fera les frais ?

Les enseignants mènent déjà des entretiens avec les parents dans les classes d’orientation. Mais ce sont des entretiens centrés sur le conseil scolaire. Ils permettent de faire le point sur les résultats de l’élève, de tenter d’en expliciter les cause (méthodologiques, didactiques, cognitives, motivationnelles) et de mettre en perspective les projets d’orientation en terme d’exigences scolaires. Les enseignants sont les seuls, en tant que spécialistes de leur discipline, à pouvoir analyser ce qui risque de faire obstacle ou au contraire peut constituer un atout dans le choix de telle ou telle voie. Pourquoi vouloir les entraîner sur un terrain qui n’est pas le leur ? Ne serait il pas préférable d’améliorer leurs connaissances des programmes et des démarches mises en œuvre dans les différentes voies de formation ?

Les entretiens menés par les CO-Psy sont d’une autre nature. En effet, le conseiller d’orientation-psychologue a un autre positionnement. N’étant pas évaluateur des performances scolaires, il permet à l’élève de s’exprimer sur ses goûts, ses intérêts, le sens qu’il donne à son travail, ses rêves, ses doutes, ses difficultés. Gardant la mémoire du suivi de l’élève, de son évolution, de son histoire, il peut re-situer ses résultats, ses projets dans une dynamique, mesurer les progrès accomplis ou, au contraire, identifier les freins, les blocages.

Spécialiste du développement psychologique à l’adolescence, il est particulièrement attentif aux moments de rupture, notamment lors des changements de cycle. Grâce à sa connaissance des voies de formation, des diplômes et des qualifications, il peut articuler les désirs des jeunes avec la construction de parcours à la fois ambitieux et réalistes. En outre, sa connaissance des différentes voies de l’enseignement supérieur s’appuie sur l’expérience des co-psy qui interviennent dans les SCUIO des universités.

Complémentarité n’est pas substitution

Les CO-Psy ont toujours contribué à la formation des professeurs principaux dans leur district scolaire. Ils peuvent continuer à le faire en se centrant sur :

  • La connaissance des différentes voies et les exigences de chaque formation
  • La compréhension de leurs élèves en les sensibilisant à la complexité de leur activité
  • La présentation des enjeux psychologiques et sociaux de l’élaboration d’un projet et les conséquences pour les enseignants

Mais non en leur donnant un simulacre de formation à l’entretien d’orientation qui ne serait tenable, ni du point de vue théorique, ni du point de vue pratique.