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Contribution des professeurs du lycée Léon Blum à la réflexion sur la réforme du lycée

Par l’équipe de la commission réforme du lycée Léon Blum*

paru le lundi 8 mars 2010

*Cette contribution est le fruit de la réflexion de 30 professeurs (proches ou non du SNES) du lycée Léon Blum du Creusot, réunis dans un débat alternatif aux commissions sur la réforme Chatel lors de la demie-journée banalisée accordée par le Ministère.

Il nous apparait clairement que le comportement des élèves, leurs difficultés, montrent que l’Ecole, telle qu’elle est, ne répond plus ou imparfaitement aux attentes et aux besoins. Les évolutions, qui sont nécessaires, doivent être sérieusement réfléchies et partagées avec tous les partenaires de l’école : professeurs, parents et élèves.

Nous percevons que le système actuel s’essouffle et reconnaissons que les indicateurs ne sont pas tous parfaits : taux de sortie du secondaire sans diplôme, échec dans les premières années du supérieur, régression du taux d’accès des élèves au lycée, démotivation de certains élèves, décalage entre l’attente des enseignants et les comportements des élèves…

Mais nous voulons aussi dire que la conscience professionnelle, l’imagination et l’implication des enseignants sont restées sans faille. Toutefois, nombre d’entre eux s’essoufflent face aux perpétuelles remises en questions, aux conditions d’exercices dégradées, et aux cas de plus en plus nombreux de précarisations des carrières.

La réforme de la seconde telle qu’elle est mise en place, sans réelle concertation, sans anticipation, sans prise en compte des retours des expérimentations, dans une précipitation inouïe, nous pose question.
A cet égard, n’est-il pas équivoque de parler de "concertation" lorsque l’on sait que les prochains manuels scolaires sont déjà sous presse sans aucune consultation des premiers concernés par la dite réforme ?

Fédération Syndicale Unitaire

1- LA REFORME CHATEL FACE A LA LOI D’ORIENTATION SUR L’ECOLE

Sur le site Eduscol, on peut lire les propos suivants : « La dernière grande loi d’orientation sur l’École date de juillet 1989. Depuis quinze ans, la société française a considérablement évolué, certains des objectifs de la loi de 1989 n’ont pas été atteints, les résultats de l’École ne progressent plus et reculent dans certains domaines. Le sens même de la mission éducative doit être redéfini pour le XXIème siècle.
La loi pour l’avenir de l’École du 23 avril 2005 assigne au système éducatif des missions renouvelées autour des objectifs suivants : assurer la réussite de tous les élèves, mieux garantir l’égalité des chances et favoriser l’insertion professionnelle des jeunes […]
L’École doit se donner de nouvelles ambitions, élever le niveau de qualification et de connaissances et préparer, mieux qu’elle ne le fait, les générations futures à leur vie personnelle, professionnelle et de citoyens. »

La réforme Chatel, qui vient après les réformes De Robien, Fillon, Allègre, répond-elle aux objectifs de la loi d’orientation qui régit l’Education Nationale ? A savoir :
 Former des citoyens
 Apporter des connaissances et des compétences
 Favoriser l’insertion professionnelle

2- LE POINT SUR LA REFORME CHATEL

Nous voulons ici mesurer l’efficacité de la réforme proposée et ses conséquences sur les enseignements et les conditions d’exercice.

Au niveau Seconde Générale et Technologique :

 Les réductions de contenus [1]dans les programmes, sans aucune concertation, « risque » de niveler la pensée des élèves à ce qui est « utile » pour la société. Ceci révèle la claire volonté d’une uniformisation de la pensée et sa réduction à une simple adéquation aux besoins de la société économique.

 Les enseignements d’explorations [2] : réduits de 50% du volume horaire des ex-options, avec des contenus extrêmement allégés, la conceptualisation de l’enseignement au détriment de la pratique, une organisation locale complexe, la prévalence de certains enseignements sur les autres, l’évaluation facultative des acquis … Et cette évolution majeure repose sur les enseignants au prix d’une surcharge de travail considérable, pour construire de la pédagogie et s’inscrire dans des projets « attractifs », sinon « vendeurs »...

 L’accompagnement personnalisé : 2 heures hebdomadaires récupérées sur les heures d’enseignement du tronc commun, ce qui n’est pas sans conséquence – une organisation non définie et gérée localement – l’absence de formation des enseignants pour cet accompagnement – des charges nouvelles comme l’orientation, , alourdies par la suppression annoncée des CIO et donc l’éloignement géographique des Conseillères d’orientation psychologues.

 Les groupes de compétence en langues [3] : le plus grand flou entre LV1 et LV2 – la répartition locale des heures par groupes,

 Le livret de compétence : gestion et suivi collectif (qui ? quand ?) – une évaluation des compétences et savoir-être scolaires et extrascolaires !

 Les 10,5 heures d’autonomie par classe : réelle autonomie ou variable d’ajustement des moyens ? Amélioration des conditions d’enseignement ou mise en concurrence des disciplines ?

 La mise en place de stages de remise à niveau, de stages passerelles, de tutorat : pour qui ? quand ? sur quelles bases ? avec quels enseignants ? N’est-ce pas un effet d’annonce !

 Compte tenu des contraintes d’organisation des emplois du temps, les élèves n’auront pas de réduction de l’amplitude horaire malgré la suppression d’heures d’enseignements.

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Au niveau Première :

 Un tronc commun : des horaires réduits, des contenus inconnus, des passerelles entre séries complètement hypothétiques,

 L’accompagnement personnalisé à l’image de la seconde (personnalisation de groupe)

 Les enseignements spécifiques : globalement réduits en volume horaire

 Les heures d’autonomie pour dédoublements, Tp, modules : volume horaire non défini !

Au niveau Terminale :

 L’inconnue totale ! Sinon la perspective de voir un diplôme (égalitaire), nationalement reconnu, transformé en un "parchemin" plus ou moins valorisé selon le lieu d’obtention (inégalité flagrante selon les établissements et les départements, stigmatisation fatale de toute une partie des bacheliers)

Eléments de réponses :

La précipitation avec laquelle la réforme Chatel est mise en place augure d’un échec probable parce que, bien que le constat de départ (rapport Descoings) soit plutôt partagé, la réflexion n’a pas été conduite collectivement et la suppression massive de postes est l’unique constante qui sous-tend cette réforme.

 la formation des citoyens impose un temps de compréhension, un recul psychologique et sociologique que les enseignants ont du mal à maitriser. La formation dans ces domaines est tombée en désuétude depuis plusieurs années. Les outils successifs mis en place, tel que l’ECJS, n’ont jamais réellement été évalués et leur efficacité n’a pas été mesurée.

Or l’enseignement en petit groupe ne répondrait-il pas mieux à cette problématique ?

 L’apport de connaissances est le domaine où les enseignants sont le plus qualifiés, c’est le cœur de leur métier. Mais empiler les connaissances comme cela se pratique souvent au rythme des progrès, conduit à construire des programmes mille-feuilles que les enseignants doivent souvent défricher pour en extraire l’essentiel. Le contenu de la réforme est ici remarquable par l’accumulation des taches dévolues aux enseignants : enseignements disciplinaires, enseignements d’exploration, accompagnement, histoire des arts, pour les « activités » ; B2i, livret de compétences, carnet de bord, et travaux habituels pour les évaluations ; pluri et transdisciplinarité, projets d’équipe, aide à l’orientation, tutorat… Polyvalence, confusion des rôles et … superficialité sont à craindre.

 L’apport de compétence, ou savoir-faire, ne peut s’acquérir que par la pratique. Il est illusoire de croire que les nouvelles technologies sauraient suppléer la pratique dans des domaines comme la Physique, les Sciences Industrielles ou les Svt... Les élèves, confrontés à un problème, n’ont pas tous les capacités d’abstraction nécessaires. Supprimer la phase d’apprentissage concret et mutiler les Travaux Dirigés peut avoir pour conséquence de perdre les élèves qui peinent à suivre, ce qui conduirait à l’inverse de l’objectif visé.

 Quant à l’insertion professionnelle, elle s’exerce à des niveaux IV (bac) et III (STS-IUT) de qualification. Réduire la formation professionnelle en préparant un bac professionnel en 3 ans au lieu de 4 ans, avec le même programme, et de plus grandes périodes en entreprise dénature la formation et discrédite le diplôme auprès des entreprises. De même, alimenter les Sts et les Iut, et pourquoi pas les classes préparatoires avec des élèves issus de la voie professionnelle est illusoire et démagogique (actuellement, 30% des élèves issus de Bac pro réussissent en Sts contre 80% des élèves de STI). Enfin, ancrer davantage la voie technologique dans le général réduit à néant son potentiel d’insertion.

La réforme vise aussi à « donner toute sa place au conseil pédagogique » (discours de M.Chatel du 10 décembre 2009). Ce conseil pédagogique, présidé par le chef d’établissement, est composé d’enseignants non élus. Les parents et les élèves n’en font pas partie. Le conseil pédagogique reçoit une grande partie des attributions de la commission permanente : coordination des enseignements, organisation des groupes compétences, de l’aide et du soutien, de la notation et de l’évaluation des activités scolaires, de l’orientation, des échanges linguistiques, de l’accompagnement personnalisé, de la partie pédagogique du projet établissement, des expérimentations pédagogiques.

Ainsi, le conseil pédagogique devient le centre de gestion pédagogique de l’établissement, il fait des propositions au conseil d’administration qui ne peut les rejeter que deux fois. Au troisième rejet d’une proposition du conseil pédagogique, c’est le chef d’établissement qui prend la décision finale.

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3- LES VOIES D’ORIENTATION AU LYCEE

Actuellement, le lycée est organisé en 3 voies distinctes ayant des vocations différentes :
 La voie générale qui prépare à la poursuite d’étude dans le supérieur,
 La voie professionnelle qui conduit à la vie active après le bac professionnel,
 La voie technologique, mixte entre ces deux voies, qui prépare à la poursuite d’étude et qui permet l’insertion professionnelle.

Cette voie technologique risque, à très court terme, de disparaitre sous la réforme proposée. En effet, les lignes directrices de la réforme prévoient de rapprocher cette filière technologique de la voie générale, réduisant ainsi de façon drastique le nombre de ses spécialités et les heures dévolues aux apprentissages spécifiques. Il nous semble qu’à court terme, c’est la fin programmée de cette voie, qui n’aura plus de lisibilité pour les élèves et les parents, et qui perdra son ancrage disciplinaire pour se rapprocher de la série science de l’ingénieur, qui s’adresse à des élèves de profils et projets différents.

La spécificité de cette filière consistait à conduire des élèves, ayant certes plus de difficulté, jusqu’au bac et leur fournir ensuite des possibilités de réussite au niveau bac+2. Le risque pour ces élèves, représentant entre 10 et 20% des effectifs selon les lycées, est de s’orienter par défaut vers une voie professionnelle non choisie, réduisant ainsi leur chance de réussite scolaire et d’élévation sociale.

4- QUELLE ORIENTATION POUR L’EDUCATION NATIONALE

S’il est un fait que l’Education Nationale peine à se réformer, il est aussi patent qu’elle est en réforme permanente. En vingt ans, quatre réformes se sont succédé. A chaque fois, les missions assignées aux enseignants ont profondément changé leurs pratiques et modifié leur métier, les contraignant parfois à s’adapter à des prescriptions qui se sont ensuite révélées dommageables pour les élèves. A un point tel que certains ne se reconnaissent plus dans ce métier.

La réforme Chatel, qui répond à la nécessité de faire évoluer le système, est sous-tendue par une réduction drastique des postes d’enseignants (16000 postes pour 2010). Il a toujours été difficile de réformer, à l’Education Nationale comme ailleurs, mais réformer en supprimant massivement des postes d’enseignants qualifiés et diplômés tient du non-sens, à moins que la volonté soit de supprimer à long terme l’enseignement gratuit accessible à tous.

La question du sens à donner à l’Ecole se pose : une école au service du pouvoir des plus forts ou une Ecole au service de la société toute entière, permettant à tous d’exprimer leurs potentiels et de réaliser leurs projets, (si humbles soient-ils) ?

Par cette réforme, le baccalauréat qu’il soit général, technologique ou professionnel est clairement remis en cause comme diplôme national. La gestion locale imposera des contrôles en cours de formations, différents d’un établissement à l’autre, qui mettront un terme au bac tel qu’il existe depuis toujours en France.

C’est le sens que nous percevons à la réforme Chatel !
Les Enseignants, les élèves et leurs familles, sont ceux qui connaissent le mieux l’école. Écoutez-les, ils ont des choses à dire.

Les professeurs de la Commission Réforme du 8 mars 2010

Lycée Léon BLUM

LE CREUSOT

Fédération Syndicale Unitaire

Notes

[1Les contenus des programmes

Les programmes d’Histoire deviennent totalement européo centrés, ce qui est opposé à l’ambition de la formation de citoyens ouverts au monde, tolérants et sensibles aux apports des différentes civilisations. Il y sur ce point une régression inquiétante, propice au renforcement du sentiment d’exclusion dont souffre déjà une partie des élèves.

[2Les enseignements d’explorations

I.S.I devient S.I : l’intitulé perd le mot « Initiation » alors que le contenu diminue. De 3h hebdomadaires on passe à 1h30. Un programme auparavant défini sur 8 pages en centres d’intérêts qualifiés par 5 niveaux d’acquisition se présente sur une seule page de compétences. L’étude sur des systèmes techniques variés et pour certains industriel se fera principalement sur des systèmes « du quotidien » et en ayant recours aux simulations informatiques.

C.I.T : intitulé séduisant, qui masque une difficulté de terrain. Comment enseigner avec pertinence la création de produits techniques et surtout les mécanismes d’innovation à des élèves n’ayant quasiment aucun acquis technique sérieux le permettant… Notez que l’I.S.P disparait. Cette option permettait de cerner la place de l’informatique dans les systèmes de productions, répondre aux contraintes de productivité, de qualité des produits et faisait découvrir une production industrielle de série.

[3Les langues vivantes

Même programme à aborder différemment avec une heure de moins.
Poursuite du regroupement d’élèves issus de classes et de voies différentes (cycle général et cycle court) qui n’ont pas le même programme et pour lesquels les exigences sont différentes. Limitation arbitraire à 24 élèves par groupe (quand ce sera possible, la gestion locale permettant toute latitude dans ce domaine).