Accueil > S3 > Dossiers académiques > Système educatif > Projet de loi "Liberté de choisir son avenir professionnel" : éléments d’analyse

Il prévoit l’abandon par l’État de sa compétence sur l’information des élèves et des étudiant.e.s et la réécriture du précédent accord cadre national fixant le niveau d’engagement des CIO dans le service public régional d’orientation.
La loi du 5 mars 2014 avait organisé un service public d’orientation à deux branches. L’une dédiée aux actifs et sous la responsabilité des régions, l’autre restant sous l’autorité de l’Etat et destinée aux élèves et aux étudiant.e.s (Article 22). Cette configuration équilibrée permettait de tenir compte de la spécificité des publics et d’organiser le travail de différentes structures en complémentarité.

Le transfert de la compétence d’information, supprimé de l’article 22 de la loi du 5 mars 2014, a des conséquences dommageables pour les élèves et les étudiant.e.s. Pour ces publics cela signifierait que l’information pourrait leur être dispensée par des prestataires désignés par les régions dans la mesure où ces mêmes régions n’ont pas les personnels compétents pour effectuer ces interventions. On peut craindre que le périmètre de cette intervention ne soit rapidement étendu au conseil. Ceci pose plusieurs questions :

  sur la qualité de l’information dispensée (sa validité scientifique, son niveau de généralité, son objectivité),
  sur la qualification des personnes qui feront ces interventions et le contrôle des organismes mandatés par les régions, sur la déontologie et l’indépendance des intervenant.e.s par rapports à divers groupes de pression.

La loi prévoit de conserver l’ONISEP en tant qu’établissement public au niveau national, mais de transférer les DRONISEP aux régions. Cette mesure signerait à très court terme la disparition du rôle de l’ONISEP en tant qu’opérateur public principal pour l’information des élèves sur « les enseignements et les professions » : d’une part parce que cette mission n’incomberait plus à l’Etat, d’autre part parce que, privée de son réseau de Délégations régionales, l’office serait dans l’impossibilité de continuer sa mission. Les DRONISEP ne se contentent pas, comme le présente le MEN, de diffuser de l’information, mais en produisent sur des thèmes différents et adaptés aux besoins des élèves, et les font remonter au niveau national. Dans quelle mesure les brochures d’information systématiques et gratuites continueront-elles à être dispensées en fin de 3ème, de seconde et de terminale ? Comment aller plus loin dans la régionalisation de l’information alors que des partenariats déjà étroits existent entre les DRONISEP et les régions ? Quelles assurances que les informations dispensées par les régions ne seront pas limitées aux orientations de la politique régionale en matière de formation professionnelle et d’emploi à court terme ? Cette approche régionale de l’information pourrait même devenir un frein à la mobilité des élèves.
Pour les personnels, les dispositions du projet de loi correspondraient au transfert de 270 emplois aux régions avec droit d’option pour les personnels titulaires et menace sur l’emploi des contractuel.le.s. Elles aboutiraient à la déstructuration totale des équipes et des ressources existantes.
La partie VI de l’article 10 prévoit que « l’État et les régions peuvent, à titre expérimental, et pour une durée de trois ans, conclure une convention fixant les modalités de participation des services et établissements de l’État au service public régional de l’orientation. Un décret définit les modalités de l’expérimentation et de son évaluation ». Ceci correspond à la réécriture de l’accord cadre national du 28 novembre 2014 qui fixait déjà le niveau d’engagement des CIO dans le SPRO. Selon le MEN il s’agit d’aller beaucoup plus loin pour renforcer le SPRO.
Les Psy-ÉN, dans le cadre de l’activité des CIO, sont déjà chargés aujourd’hui, du suivi des décrocheurs, des dispositions du retour en formation initiale, du 1er accueil et de la 1ère information pour toute personne en recherche de solutions pour son orientation. Les CIO, dans ce cadre, travaillent en complémentarité avec les missions locales et pôle emploi notamment au sein des PSAD. Toutes ces actions s’inscrivent déjà dans leur contribution au SPRO.
Vouloir aller plus loin en décidant de fermer les CIO, comme le Ministère de l’Education nationale l’a annoncé en complément du projet de loi, reviendrait à priver le public scolaire du seul réseau public de proximité, clairement identifié par les familles, dédié aux conseils sur la scolarité et l’orientation, La contrepartie serait des tâches supplémentaires à effectuer pour le SPRO, ceci reviendrait à faire glisser les missions des Psy-ÉN vers la prise en charge des publics adultes pour un accueil dans des guichets uniques, des demandes de reconversions professionnelles ou de conseils pour le CEP. Ces tâches ne font pas partie des missions statutaires des Psy-ÉN et réduiraient encore leur temps de présence auprès des élèves. Elles mettraient de fait les Psy-ÉN sous une double tutelle État / Région, De plus la déclinaison régionale de ces conventions démantèlerait totalement le service public d’orientation de l’Éducation nationale.