Accueil > Yonne > A la Une dans l’Yonne > « Prof bashing », 2S2C : deux attaques, un même but ?

Après plus de deux mois d’errance où il est apparu nettement en difficulté, Jean-Michel Blanquer essaie de sortir de la crise non pas par le haut mais bien par le bas, de la façon la plus méprisable qui soit en laissant attaquer ses personnels et en reprenant même les attaques à son compte.

En effet, alors que la parole du ministre était devenue presque risible, aussi bien pour les enseignants que pour les parents d’élèves, tant elle était caricaturale et hors des réalités du terrain, il vient miraculeusement de voir l’attention détournée vers des enseignants « décrocheurs » grâce à l’intervention d’éditorialistes toujours prompts à dénigrer les services publics et de reportages à charge diffusés dans les journaux télévisés de 20 h. Les enseignants, souvent encensés pendant le confinement se retrouvent vilipendés aujourd’hui… Au tour des soignants demain ?

Aujourd’hui, on montre du doigt des enseignants qui auraient délaissé leurs élèves pendant le confinement sans le moins du monde s’interroger sur les raisons qui les y auraient poussés, on avance des pourcentages essentiellement sur la base de déclarations de parents ou d’élèves la plupart du temps invérifiables. A-t-on pris contact avec ces enseignants pour connaître leurs difficultés ? Evidemment non… Rappelons que chacun n’a pas la même maitrise de l’outil informatique et que l’Education Nationale a laissé chacun se débrouiller seul devant les problèmes rencontrés en début de confinement, tout en déclarant que tout était prêt ! Rappelons également que l’équipement informatique de chacun est pris sur les deniers propres des enseignants et en aucun cas fourni par l’administration. Pendant toute cette période, les professeurs continuaient d’inventer des solutions pour faire cours à distance, pour contacter les familles par tous les moyens possibles...en un mot de faire vivre le service public d’éducation. Seuls, répétons-le. Avec leurs moyens. Parce que la communauté éducative, confinement ou pas, n’a qu’un seul objectif : la réussite de tous les élèves.

Que les éditorialistes macronistes cassent du prof, on en a malheureusement l’habitude… Que les journaux télévisés cherchent à faire de l’audience avec des reportages du niveau du caniveau, ce n’est malheureusement pas un scoop non plus… Mais l’attitude du ministre est, elle, inadmissible. Il laisse prospérer ce dénigrement systématique d’une profession qui a été au rendez-vous de la crise, alors que lui-même se perdait en annonces contradictoires, semant le trouble dans la communauté éducative. Aujourd’hui, il laisse également croire que les enseignants ne reviennent pas tous en classe en « oubliant » de préciser que tous les enseignants ne sont pas là parce que tous les élèves ne sont pas là et qu’ils continuent vaille que vaille l’enseignement à distance et que ceux qui ne reviennent pas du tout sont les personnes à risque. Il préfère manier la carotte et le bâton en promettant prime pour les bons élèves et sanctions pour les mauvais.

C’est aussi sa vision réactionnaire et rétrograde de l’Education qui transpire là.

C’est aussi une de ses premières pierres dans sa vision de nos métiers dans le monde d’après. Un monde toujours plus libéral où le chacun pour soi dominera encore davantage, où les statuts des enseignants aura volé en éclat, où le désengagement de l’Etat dans l’Education est prévisible comme en témoignent les déclarations de la ministre de l’enseignement supérieur sur la généralisation de l’enseignement à distance pour les cours magistraux ou celles du ministre sur le fait que le présentiel et le distanciel se poursuivront après la crise sanitaire.
Le dispositif « Sport, Santé, Culture, Civisme – 2S2C », imaginé dans le cadre de la réouverture des établissements scolaires, en est un autre exemple. Il vise à permettre aux élèves de réaliser des activités sportives et culturelles sur le temps scolaire encadrées par des animateurs issus des clubs, des associations. Avec quels diplômes ? Avec quelle vision ? Les enseignants sont aujourd’hui recrutés à bac +5 ce qui leur permet d’avoir le recul nécessaire sur la discipline qu’ils enseignent ainsi qu’une vision globale. La mise en place du 2S2C est, à n’en pas douter, un ballon d’essai qui s’inscrit complètement dans la vision ministérielle actuelle d’une école resserrée sur les fondamentaux (lire écrire, compter, respecter autrui). La crainte est grande que cela puisse conduire à la suppression des ateliers artistiques et de la chorale, conduits par les professeurs, voire à une déscolarisation de l’Éducation musicale, des Arts plastiques et de l’EPS en particulier. Soyons très vigilants dans nos établissements.
Nous sortons à peine d’une crise exceptionnelle. Elle a montré l’importance de l’Education à tous les niveaux et dans toute sa diversité. Elle impose des réponses à la hauteur des enjeux. L’Éducation sera une des clés du monde d’après. Il ne doit pas se construire pas sans les personnels de l’Éducation nationale.

Olivier Provost