Tribune libre

Pour moi, c’est NON !

Par Claude Bailly

paru le mardi 3 mai 2005

Le projet de TCE fait débat à la FSU 89 comme dans toutes les autres organisations syndicales. Nous avons décidé, dans le département, de permettre l’expression, sur ce sujet, de ceux qui, parmi nous, souhaitaient individuellement donner leur avis.

Le texte ci-dessous a été publié dans le bulletin POUR 89, spécial débat sur le TCE.


En quoi une organisation syndicale est-elle concernée par le projet de traité constitutionnel ?

Pour être bref, ce projet vise à subordonner durablement (40 ans, avoue Giscard, son promoteur) les choix politiques à un système économique et, de ce fait, relègue le social à la portion congrue. Quand, pour ne retenir que cet aspect, le « droit de travailler » est préféré au « droit au travail », ce n’est pas une clause de style, non plus que « la concurrence libre et non faussée » érigée en dogme constitutionnel.

Ce texte intervient dans un contexte, celui de l’accentuation des contradictions, sous la pression, la domination des marchés financiers, dans le cadre de la mondialisation capitaliste. Il prolonge les politiques actuellement à l’œuvre dans les différents pays que ce soit sous la houlette de Raffarin, Schroeder, Blair, Berlusconi... Prôneraient-ils aujourd’hui et pour demain des choix radicalement différents de ceux qu’ils infligent aujourd’hui ?

Le SNES et d’autres syndicats de la FSU ont pris position. J’en retiens que le contenu est jugé globalement inacceptable. Cette position me convient et me semble impliquer, en bonne logique, une orientation vers le NON.

— Fallait-il que la FSU et ses syndicats donnent une consigne de vote ?

Au moment de la publication de ce point de vue, le débat sera peut-être derrière nous ; il ne sera pas forcément clos. Une chose est l’indépendance du syndicat par rapport aux partis politiques ; mais le syndicat ne s’interdit nullement de critiquer (ou de soutenir) telle ou telle position politique. Quant au syndicaliste, il n’en est pas moins libre citoyen.

Pour conclure, de mes longues années de militance syndicale j’ai tiré la leçon qu’il était illusoire de vouloir conduire les gens (nos collègues, les adhérents du syndicat) là où ils ne veulent pas aller. Dans des moments cruciaux, j’ai tenu compte de ces réalités même quand cela n’allait pas dans le sens que j’aurais souhaité. Cela m’a été reproché durement et durablement par certains.

Aujourd’hui, j’ai le sentiment profond (et la manière scandaleuse dont la France officielle confisque la parole à son profit me confirme dans cette conviction), j’ai le sentiment que ce projet vise à entraîner nos concitoyens là où ils ne veulent pas aller, à utiliser leur attachement à l’idée de construire une Europe de paix, de progrès social et démocratique, pour leur faire avaler le paquet ultra-libéral.

Pour cela aussi, et pour cela avant tout peut-être, je voterai NON ; sans état d’âme, car il y a des moments dans l’histoire où il faut savoir dire NON.

La façon de le dire n’est pas subalterne mais ce qui compte c’est de ne pas contourner l’obstacle et de ne pas apporter un soutien, fût-il bien intentionné, à ceux qui ont conçu de nous en faire prendre pour 40 ans.

Claude Bailly, syndiqué depuis bientôt 50 ans.