Contrats d’objectifs : quézako ?

paru le dimanche 23 décembre 2007 , par Olivier Provost

 Limités à quelques établissements l’an dernier, les contrats d’objectifs que le Rectorat conclut avec les établissements vont se multiplier cette année dans notre académie.
 Olivier Provost, professeur au lycée de Sens et militant du SNES de l’Yonne (S2-89), nous donne ici plusieurs clés de compréhension et d’analyse de ce phénomène proliférant.


Une nouveauté ? Pas tout à fait. Cette contractualisation figurait dans la loi Fillon sur l’Ecole votée en 2004 :
"On constate une stagnation depuis dix ans environ des résultats de notre système scolaire malgré la baisse des effectifs des élèves et l’accroissement continu des moyens humains et financiers qui lui ont été consacrés". Il s’agit donc d’"améliorer l’efficacité des établissements scolaires", et pour cela de "donner une plus grande responsabilité aux établissements dans la gestion financière et humaine de leurs moyens au service de leurs priorités pédagogiques", par le biais de la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances) : un contrat fixant les objectifs pédagogiques sera signé entre chaque académie et les établissements. "La réflexion sur les différentes formes d’évaluation de notre système éducatif, depuis l’évaluation des élèves jusqu’à celle des académies en passant par celle des personnels et des établissements, est capitale".

Ces contrats sont donc une étape supplémentaire dans l’autonomie des établissements. Ils sont signés pour une durée de 3 ans.
On demande aux établissements de se fixer des priorités pédagogiques liées aux difficultés qu’ils rencontrent. A eux ensuite d’utiliser au mieux les moyens dont ils disposent pour améliorer la situation…
Parce qu’il ne s’agit pas d’un contrat au sens classique du terme : il n’engage pas les deux parties ! En effet, le Rectorat ne promet aucun moyen supplémentaire et n’offre pratiquement rien (de coûteux en tout cas) en matière d’accompagnement de l’établissement. Les propos en italique ci-dessus (qui sont faux ! 8 000 recrutements en 2008 pour 19 000 départs à la retraite) démontrent que l’objectif serait plutôt de d’accompagner la baisse de moyens.

Par contre, l’établissement se fixe des objectifs parfois chiffrés et la question qui se pose est de savoir ce qu’il adviendra si ces objectifs ne sont pas atteints :
Les moyens seront-ils donnés en fonction des résultats ? Et dans quels sens ?
Les enseignants seront-ils évalués en fonction des résultats obtenus ?

En ces temps de restriction budgétaire et de suppressions de postes, la réponse semble évidente… Les chefs d’établissement sont bien évidemment rassurants et déclarent que ces contrats n’engagent à rien car, selon eux, ils servent simplement de façon plus précise que le projet d’établissement à pointer le doigt sur ce qu’il faut améliorer.
Certes, une analyse est nécessaire. Mais il est pour le moins curieux de constater que l’objectif qui revient le plus souvent dans les contrats des établissements de l’Yonne que nous avons eu l’occasion de lire concerne les taux de passages dans la classe supérieure, qui sont toujours insuffisants…

On constate le développement d’une idée pernicieuse et complexe, celle du pilotage du système éducatif par le résultat des élèves. Ce résultat, c’est nous qui finalement le sanctionnons par nos notes, nos appréciations. Le Recteur dit publiquement, par exemple, que les taux de passage ont augmenté, que les redoublements ont diminué, donc que les élèves ont mieux travaillé : et bravo les enseignants qui ont fait progresser les élèves. Nous savons bien que ces progrès sont, en fait, le résultat de pressions et d’injonctions, de décisions imposées par les Principaux ou Proviseurs.

On peut donc craindre que la pression exercée sur les collègues soit encore plus forte que par le passé pour satisfaire ces objectifs affichés.

Ceci d’autant plus que l’on sait bien que, depuis des années, l’Ecole dans l’Yonne est en difficulté et que l’administration de l’Education nationale est mise en cause. Le contrat d’objectifs lui apparaît donc comme un excellent outil pour améliorer les chiffres, sans que cela coûte le moindre centime !

Le dossier est donc complexe à expliquer clairement aux parents et aux élèves en CA.
Les enjeux concernent bien sûr enseignants, parents et élèves, mais les conséquences les plus visibles touchent d’abord les enseignants dans l’exercice quotidien de leur métier. Parents et élèves, aidés en cela par la présentation qui sera faite par le chef d’établissement, risquent surtout de voir l’objectif d’une meilleure réussite scolaire à atteindre, sur lequel personne ne peut être en opposition.

Il y a donc une réelle difficulté à obtenir une majorité contre ces contrats en CA.
Si cette majorité se dessine, il ne faut pas hésiter à voter contre. Sinon, il faut surtout essayer d’obtenir un contrat qui ne lie pas trop les enseignants et qui n’aura pas trop d’incidences fâcheuses sur les collègues.

Sur le contrat d’objectifs du lycée de Sens, figuraient des choses très contraignantes pour les enseignants et des menaces voilées de sanction par la notation des IPR pour les collègues qui ne feraient pas d’efforts suffisants !

Si le contrat n’a pas été abandonné, les élus ont quand même obtenu, en CA, le retrait des termes les plus dangereux et la possibilité d’intégrer leurs demandes de moyens, de concertations et de formations pour atteindre les objectifs fixés.

Proposer des amendements au contrat, soit dans sa phase d’élaboration, soit au moment de sa présentation au CA (l’accord des parents et des élèves est alors plus facile à obtenir) peut être une solution pour éviter le pire…