Le « ministre de la nuance » tel que le désignait Libération il y a un mois, fait donc le choix du passage en force, contre l’ensemble des organisations syndicales, des associations de parents d’élèves, et des associations de spécialistes. Il maintient les épreuves de spécialité en mars au prix de la désorganisation de l’année de Terminale et d’une entrave manifeste à la continuité pédagogique. Celui qui déclarait voir la réforme du lycée comme « perfectible » persévère dans l’erreur et la maltraitance des élèves comme des personnels. Le fait de « resserrer, de manière pérenne, les programmes d’examen » un mois après la rentrée scolaire (soit 1/6e du temps disponible pour préparer les élèves aux épreuves) apparaît comme une mesure de diversion malhonnête dans ce contexte.

Une génération sacrifiée

Le calendrier paru le 22 septembre prévoit des épreuves de spécialité les 20, 21 et 22 mars, l’organisation des épreuves orales et pratiques dans la foulée, des épreuves de compétence expérimentales entre les 25 et 31 mars, avec des remontées des notes pour harmonisation à partir du 7 avril. Ce calendrier est verrouillé par la remontée des notes dans Parcoursup au 11 avril, date à laquelle les candidat·es auront donc connaissance de leurs notes. Il est donc prévu un marathon d’examens, de corrections (en 8 jours ouvrés ?), de réunions d’entente et d’harmonisation dont on voit mal comment élèves et enseignant·es sortiraient indemnes. Certes, le ministère prévoit de reconduire les quatre demi-journées de décharge de cours mais cela ne saurait suffire, et surtout cela entérine une période qui sonne comme une fin d’année scolaire. Il est impossible d’envisager sereinement les cours alors que les élèves risquent fort de se démobiliser pour toute la fin de l’année scolaire. Les vacances de printemps commenceront le 8 avril pour la zone A et la dernière zone à reprendre les cours (zone C) le fera le mardi 9 mai. Les élèves connaîtront plus des trois quarts de leur note de baccalauréat, et même le Grand oral qu’ils et elles devront encore préparer ne porte pas réellement sur les contenus des spécialités en dehors des questions choisies par les candidats. Ces épreuves auront lieu entre le 19 et le 30 juin.

Des jeunes déjà lourdement touchés par des années de Covid où les cours ont été basculés à distance puis en hybride, se voient, de fait, privés de nombreuses semaines d’apprentissages en Terminale par la seule volonté politique du ministère.

Un métier méprisé

Le ministre explique dans une interview à AEF Info qu’il a, faute d’accepter de reporter les épreuves de spécialités, « décidé de resserrer les programmes d’examen » pour ces épreuves. Les enseignant·es chargé·es des cours de spécialités devraient donc se réjouir d’avoir connaissance d’une modification de leur programme un mois après la rentrée ? Ils et elles devraient sans doute remercier le ministre d’avoir une si grande considération pour leurs enseignements puisqu’il affirme que « la spécialité représente le cœur du travail des candidates et des candidats ». Alors, pourquoi traiter avec une telle désinvolture les apprentissages des élèves et les progressions pédagogiques des professeur·es ? Un allègement dans l’urgence ne répond pas aux besoins exprimés par la profession. Le SNES-FSU avait demandé en vain, en 2021, une révision générale des programmes suite à la crise sanitaire, pour tenir compte des discontinuités pédagogiques vécues depuis deux ans et demi. Il était alors hors de question de toucher à ces programmes dont le ministre Blanquer se félicitait de « l’excellence » et de « l’ambition ». La décision de son successeur un mois après la rentrée 2022 ne fait en réalité que prolonger ce déni. D’autant qu’il n’apporte aucune réponse aux problèmes soulevés par l’épreuve anticipée de français. Les allègements annoncés ne la concernent pas, alors qu’enseigner les lettres en lycée, avec les programmes infaisables et le format actuel des épreuves d’examen, conduit à une charge de travail démesurée.

Pap Ndiaye explique à AEF Info que « L’année scolaire ne se termine pas au mois de mars, car il y a le contrôle continu qui court jusqu’à la fin de l’année scolaire » oubliant opportunément que les spécialités n’y sont pas prises en compte. Il annonce vouloir «  travailler sur la question du troisième trimestre, afin qu’il soit aussi plein du point de vue pédagogique que possible et qu’il ne soit pas un trimestre en pointillé. » Il est certain que niveau d’exaspération des personnels face à cette gestion à courte-vue du calendrier pédagogique est lui, déjà plein.

En finir avec le diktat Parcoursup !

La raison devrait imposer de revoir ce calendrier, et c’est possible ! A moins de réduire l’intérêt des enseignements de spécialités à leur rôle de sélection pour l’accès à l’enseignement supérieur, rien ne justifie de gâcher une année scolaire entière. Comme le demandent quasi à l’unanimité les organisations syndicales et les associations de spécialistes, il faut sortir du carcan imposé par le calendrier de la sélection pour revenir à des épreuves en juin. Le vœu intersyndical adopté en Conseil supérieur de l’Éducation le 15 septembre dernier exige l’ouverture urgente de concertations sur le calendrier des épreuves de spécialité et les programmes du cycle terminal. Plus généralement, le SNES-FSU va continuer d’informer à tous les niveaux de l’institution, avec tous les acteurs de la communauté éducative, sur la nécessité de revoir l’organisation d’un lycée entièrement plombé par l’obsession de l’évaluation. Cette obsession est aussi induite par la mise en place du contrôle continu, que le SNES-FSU dénonce en demandant un retour à un baccalauréat évalué par des épreuves nationales et terminales.

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