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Les collèges de Puisaye bientôt en réseau ? (2)

Par Liliane Sévenier

paru le dimanche 5 juin 2005

Réflexions d’une collègue de math du collège de Toucy.


Plusieurs réflexions :

1) Cette mise en réseau des collèges, destinée à lutter contre l’isolement des professeurs et contre l’échec scolaire des élèves... ne cache-t elle pas surtout l’idée d’une future affectation sur réseau des professeurs ?

Affectation dont l’objectif profond pourrait être de rendre automatique la flexibilité des services et d’éviter ainsi les pertes horaires ? Fini le collègue en sous-service dans un petit établissement, il ira compléter à côté, même pour quelques heures, puisque ce sera son affectation officielle.

Même si cela se fait actuellement, il reste des collègues qui y échappent encore ...

2) On nous fait toute une présentation, chiffres à l’appui, sur le niveau très bas des élèves de Puisaye.

Bravo, bravo ! On commence à se rendre compte qu’il y a un problème, encore pire ici que dans l’Yonne, pourtant elle-même déjà en queue de peloton. Je me réjouis donc...

Et voilà que la montagne accouche d’une souris : "défis sportifs et citoyens, épreuve d’orientation, projets scientifiques, découverte du patrimoine, projet artistique, formation aux premiers secours et à la sécurité routière et l’orientation." Tous projets déjà en oeuvre ici ou là.

Comment croire que ce genre de mesures, j’ose dire "mesurettes", voire "bricolages", règlera ou même seulement atténuera le problème de fond de l’échec scolaire en Puisaye, améliorera les niveaux faibles en français ou math, luttera contre le manque de motivation, d’abstraction, de concentration de certains de nos élèves ?

Et surtout contre le manque d’ambition de ceux, nombreux, qui décident relativement tôt qu’ils "n’y arriveront pas", qu’ils "ne sont pas des intellos" et qui attendent impatiemment de sortir du système scolaire, dès la classe de cinquième pour certains.

Croit-on que c’est en rendant le système moins "scolaire" qu’on y arrivera ?

N’est-ce pas alimenter le défaitisme des enfants que de se calquer sur leur renoncement, que de leur proposer moins d’école puisqu’ils n’en veulent plus ?

Combien de fois dans ma carrière n’ai-je pas pu vérifier que tous les élèves peuvent accéder à un niveau nettement supérieur à celui dans lequel on les cantonne (et ils se cantonnent) pour peu qu’on s’en donne les moyens ? Comme par exemple en leur expliquant les questions qu’ils n’ont pas comprises de façon plus individuelle, ou avec une plus grande patience, ou avec des mots différents, ou avec plus de lenteur, ou simplement grâce à une (ou deux ... ou trois) explication supplémentaire.

Et surtout avec la conviction qu’ils en sont capables. Et en leur faisant partager cette conviction.

On peut appeler cela de l’optimisme, mais je crois au contraire que c’est du réalisme. Pour peu que l’on s’en donne la peine.

Et le plaisir de voir un "mauvais" élève, habituellement fermé aux mathématiques, qui aligne notes catastrophiques sur notes lamentables, réussir à "piger" la complexité du théorème de Pythagore, voire de Thalès (la vache, celui-là) et je passe sur les cosinus, simplement parce qu’un déclic s’est produit brusquement...

ça, c’est un plaisir que j’ai vécu des dizaines de fois et dont je ne me suis jamais lassée. Et le plaisir de voir son plaisir, ça c’est le top du top !!!

Alors, tirer les élèves vers le haut, avec ambition et obstination, moi je suis pour !!!

3) A l’heure où, dans la plupart des établissements, on a singulièrement diminué (voire supprimé) les IDD et autres travaux croisés, parcours diversifiés, ateliers et tutti quanti, on recommence ?????

Sous prétexte que c’est en réseau, ça marchera mieux ???? Qui le croit ??

Je trouve que c’est faire preuve de peu de suite dans les idées... Ce genre de mesures, mises en place dans un enthousiasme "tout feu tout flamme" puis plus ou moins abandonnées quelque temps plus tard, discréditent singulièrement l’école. J’en veux pour preuve les nombreuses discussions que j’ai pu avoir avec des parents d’élèves, ici ou là...

Voilà les réflexions d’une collègue qui, après 33 ans dans le métier, voulait faire partager son expérience.

Et son optimisme indéracinable.

Liliane Sévenier, prof de math au collège de Toucy