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Guy Môquet au lycée de Sens (Yonne)

Communiqué de presse par les sections syndicales SNES-FSU et SGEN-CFDT du lycée Janot à Sens

paru le lundi 22 octobre 2007

Nicolas Sarkozy, président de la République, dès son élection en mai dernier, a commandé aux professeurs de lycée, sans consultation aucune, la lecture en classe de la lettre d’adieu de Guy Môquet à ses parents, écrite avant qu’il ne soit exécuté. Cette injonction fait suite à ce que Nicolas Sarkozy avait déjà déclaré lors de son discours au Zénith de mars 2007 : « Je veux que cette lettre soit lue à tous les lycéens, non pas comme une lettre d’un jeune communiste mais comme celle d’un Français faisant à la France et à la liberté, l’offrande de sa vie ».

En premier lieu, cette lecture-commémoration pose de lourdes questions historiques : Pourquoi occulter le fait qu’il soit communiste ? Pourquoi occulter le rôle de la France de Vichy dans son arrestation ?

Elle pose aussi des problèmes d’ordre pédagogique : un enseignant ne peut être un simple haut-parleur, il se doit de contextualiser les événements dont il parle, en les analysant et en les plaçant dans une perspective à la fois nationale, européenne et mondiale. Que faire alors de cette lecture, intervenant au beau milieu des programmes de 1ère et Terminale ?

Cette lecture-commémoration donne une fausse idée de l’Histoire et de son enseignement au lycée. L’enseignement de l’histoire ne se construit ni par le recours à l’émotionnel, ni par l’identification collective sans recul critique.

L’Histoire ne doit pas être instrumentalisée. Il semble de ce point de vue que cette lettre n’ait pas été comprise par le Président, car la lire comme la preuve d’une « offrande de sa vie » à la France relèverait d’un contre-sens historique, mais elle est en plus instrumentalisée pour transmettre aux lycéens avant tout l’idée de défense de la patrie, en jouant sur la charge émotionnelle qu’elle porte, histoire de faire taire les esprits chagrins qui oseraient contester une telle entreprise.

Enfin, et c’est sur ce point que parents, élèves et membres de la communauté éducative doivent être vigilants et critiques, que penser de la présence annoncée d’élus dans les classes, dont certains sont déjà en campagne pour les élections municipales, prenant pour prétexte cette journée de commémoration ? Or, que viennent faire les élus politiques dans les établissements scolaires ? De la politique !

En tant qu’enseignants nous sommes intimement persuadés que nous devons rester vigilants face à toute tentative d’instrumentalisation de l’histoire et de la mémoire collective par le pouvoir politique.

L’enseignement n’est pas de la propagande et aucun élu n’a démontré qu’il avait davantage de légitimité que les personnels d’éducation pour préparer les jeunes à leur avenir d’homme, de citoyen et de travailleur.

Nous sommes attachés aux valeurs véhiculées par la Résistance telles que la justice sociale, l’égalité, la liberté. Mais nous refusons toute utilisation politique d’un personnage dont le combat doit faire l’objet d’une réflexion et d’une analyse rationnelle.

Pour les sections syndicales SNES-FSU et SGEN-CFDT du lycée Catherine-et-Raymond-Janot de Sens, Olivier Provost, Françoise Poisson