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Compte rendu du stage New Public Management

paru le mardi 5 décembre 2017 , par Romain Morlat

Genèse du New Public Management

Maquiller en jeune des mesures réactionnaires : faire croire que ce qui est fait, c’est rationnel et efficace et dépasser les clivages, telle est la devise du NMP. Il développe l’idée que le public fonctionnera mieux s’il est en situation de concurrence avec le privé. En Grande Bretagne, c’est le modèle qui a été développé, de Margaret Tatcher à Tony Blair. Trois phases peuvent se distinguer : « On donnera plus aux établissements qui fonctionne mieux, on paiera plus et on enlèvera rien aux autres » : c’était la période gagnant-gagnant. Puis la crise arrive : « on maintient là où c’est bien, et on baisse ailleurs ».Enfin, lorsque la crise s’aggrave : « on ferme là où c’est trop dégradé ». Derrière le pragmatisme, des mesures essentiellement idéologiques se dissimulent. Un président moderne qui considère que le statut des fonctionnaires est inadapté, qui demande à ses ministres d’envisager des transferts vers le privé, d’abandonner certaines missions s’inscrit dans cet héritage. Le management déploie systématiquement deux idées : il faut faire des économies car on dépense trop, notamment pour les services publics (ce n’est pas un problème de moyens mais un problème d’utilisation) en même temps qu’il nourrit la défiance à l’égard de l’état, de ce qui le représente comme les services publics. Les trois intervenants [1], syndicalistes de la FSU ont introduit les débats par des interventions cernant les problématiques et les enjeux puis ont animé des débats riches. Ce stage était co-organisé avec le SNUEP, syndicat FSU des lycées professionnels.

L’autonomie des établissements : bras armé du management ?

Les méthodes du New Management sont connues : il s’agit d’introduire dans le quotidien des enseignants, des CPE, des Psy EN des termes tels que performance, indicateurs, plus value, etc... puis d’isoler chacun des acteurs afin qu’il se sente « responsabiliser". Dans notre quotidien, cela se traduit par la volonté de contrôler les agents au cœur de leur métier. Au-delà des prescriptions en tout genre, la machine infernale de la réunionite se met en place, avec par exemple, des conseils pédagogiques dont les ordres du jour ne portent jamais sur ce qui préoccupe les enseignants, nous volant du temps pour comprendre, réfléchir, agir. Derrière des apparats de modernité, se cache en fait une remise en cause de notre autonomie professionnelle et à défaut d’autonomie, c’est vers une recentralisation des lieux de décision que nous nous dirigeons !

Le Management ou autonomie contre autonomie

Paradoxalement trop occupés à des projets qu’ils n’ont pas initiés ou à lutter contre leur imposition, les enseignants, CPE que nous sommes perdent en marges de manœuvre pour conduire leurs propres projets, sans s’y épuiser. L’autonomie des établissements peut se révéler être un frein puissant à notre autonomie professionnelle. Mais n’est-ce pas l’objectif, que nous soyons plus à l’écoute d’un leadership « éclairé », « expert », incarné par les hiérarchies intermédiaires (le chef d’établissement ne continue-t-il pas d’être présenté comme le « premier pédagogue de l’établissement » ?) ? "Il n’y a pas une fraction de temps qui doive être conservée pour le loisir et qui ne puisse être rentabilisée", peut on lire dans certains ouvrages dès 1850. Le New Management vise l’occupation, c’est-à-dire, l’incapacité des « managés » à sortir la tête de l’eau.

Le Management, c’est la rémunération au mérite

Comment évaluer la capacité qu’un enseignant a à faire progresser ses élèves ? Il y a certes une évaluation faite par les inspecteurs, qualitative mais elle ne permet pas de classer les enseignants ou les CPE entre eux.
« Si on veut classer les agents pour payer plus, il va falloir introduire des indicateurs. Qu’est-ce qui est mesurable ? Évidemment pas ce qui a permis de s’exprimer de façon universelle, d’être moins perméable à la théorie du complot. On va mesurer le nombre de devoirs que j’ai faits ! », nous explique Evelyne Rognon, professeur de philosophie, présidente de l’institut de recherche de la FSU, venue animer le stage du 30 Novembre.

Le Management, c’est l’évaluation et la comparaison

Il faut mesurer le niveau des élèves, d’où l’appui que prennent les « réformateurs » sur les enquêtes internationales pour justifier les changements de pratiques qui sont imposées. Il est de bon goût de dire que le niveau baisse. Mais de quel niveau parle-t-on ? L’évaluation PISA, par exemple s’adresse aux élèves scolarisés de 15 ans. En France, l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans alors que dans 80% des systèmes éducatifs, une frange importante des élèves part à 14 ans dans l’apprentissage ou dans d’autres structures et donc ne sont pas évalués par Pisa... Mais des éléments sont intéressants dans ces enquêtes : Pisa montre par exemple qu’en France, plus que dans d’autres pays, l’origine sociale est prédominante sur la résussite. Autre chose : les élèves qui ne réussissent pas, ce sont les garçons. Or 15 ans plus tard, qui est-ce qui gagne 30% de plus (une récente étude de l’INSEE vient encore de le confirmer) ? Ceux qui avaient de mauvais résultats. C’est bien la démonstration que le niveau des élèves est un indicateur mais pas forcément le premier dont il faut se soucier...

Le Management, c’est l’évaluation, l’évaluation, c’est la triche !

En Grande Bretagne, les résultats d’un établissement déterminent en grande Bretagne l’allocation de ressources et éventuellement les salaires des personnels. Ce type d’évaluation conduit au mensonge, à la dissimulation.
« Quand on évalue, plus on évalue, plus on voit des choses. Est-ce qu’un bon établissement fait remonter des signalements de violence ou cache tout sous le tapis ? » Si la lettre de mission du chef d’établissement enjoint de ramener le calme, nul ne contestera qu’il faut mieux camoufler ce qui dysfonctionne...
Que penser actuellement des établissements privés (et certains collèges publics !) qui affichent un taux de réussite de 100% au DNB ?

Le Management, c’est un « pilotage » peu démocratique des établissements... et des mots pour le dire !

Les établissements sont donc classés en fonction de ses indicateurs. Un tel est dans le rouge au niveau du nombre de conseil de discipline. Qu’importe si un élève commet un acte de violence contre un personnel, il pourra avoir un sursis si l’établissement réunit déjà trop de conseils de discipline...Dans un autre, c’est le taux de passage en 2nde GT qui est inférieur à la moyenne départementale ? Personne ne s’offusquera de ce que le chef d’établissement revienne sur certaines décisions du conseil de classe, son évaluation en dépend. Il pourra d’ailleurs le justifier en invoquant la sacrosainte « fluidité des parcours ». Ici, c’est le niveau de validation des compétences du socle qui n’est pas bon ? Et vous oseriez vous étonner de ce que le chef vous assomme de réunions pour revoir « le processus de validation et définir de nouveaux arbitrages », « pour sécuriser la procédure en menant un projet de classe sans note » ? Il pourra l’expliquer en invoquant un nouveau « pacte de confiance sur l’évaluation » ! L’évaluation du chef d’établissement en dépend sûrement mais cela, comment le vérifier puisque les objectifs qui lui sont assignés ne sont pas transparents. Des chefs d’établissement ne montrent même pas leur lettre de mission à leurs adjoints !

Se défendre :

C’est très important de dire ce qu’on fait dans notre travail. Ce sont nous les pragmatiques qui connaissons le travail invisible et ce travail invisible qui permet de mettre en échec les réformes managériales.
Le manager ne voit pas l’épaisseur du travail. Il faut renvoyer au réel. Le NMP va se fracasser sur le réel et le collectif.
La mise en concurrence passe par l’individualisation : isoler : responsabiliser, culpabiliser, casser les collectifs de travail. Plus le temps est vampirisé, moins les agents se réuniront et penseront collectif. La vie syndicale dans un établissement est porteuse de l’intérêt général pour contribuer à faire tenir ses espaces de discussions et de débats pour penser collectivement. Nous sommes très vulnérables à la culpabilisation individuelle. Face à ça, il faut dire nous.

Pourquoi la FSU organise-t-elle un stage sur le management ?
Les 75 collègues présents ont pu donc faire ce pas de côté salutaire pour réfléchir et connaître. Résister, c’est connaître et c’est un sacré moteur pour l’action.

Le stage syndical organisé le 8 février 2018 abordera des exemples concrets, vécus dans les établissements de problèmes qui sont posés aux équipes : imposition de certaines pratiques (feuille d’émargement pour les conseils de classe, imposition de devoirs, modification des notes, imposition de réunion non obligatoires). Nous y verrons comment se défendre en arguant de nos droits et en répondant collectivement. Jean Michel Harvier, du secteur action juridique viendra animer cette journée de stage.

Notes

[1Eric Mansecal, proviseur, co-secrétaire général du SNUPDEN FSU, Hugues Poirier, proviseur, syndicaliste SNUPDEN FSU, Evelyne Rognon, professeur de philosophie, présidente de l’institut de recherche de la FSU