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Une crise et ça repart ?

Qui peut encore penser que la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an fait partie du domaine « des choses qui arrivent », d’un simple accident de parcours qui nous ralentit dans la course effrénée du progrès du développement humain ? Les discours politiques de beaucoup de décideurs, qui juraient la main sur le cœur qu’ils avaient compris, que rien ne serait plus comme avant, ont prouvé que le Coronavirus ne venait pas de nulle part et qu’il était le fruit pourri d’une crise systémique, celui du capitalisme. Pourtant, le « monde d’après » n’a pas survécu (pour l’instant ?) aux coups de com’. Les mesures de court terme prises lors de cette crise le prouvent. Des milliards et des milliards ont été investi pour bénéficier de vaccins et garder à flots l’économie au sens large. Et c’est heureux même si évidemment, il y a des choses à dire sur qui on a aidé, à quelles conditions et surtout qui va payer… La question qui se pose ici est : qu’a-t-on engagé pour s’attaquer à la racine du mal, à ce qui provoque des épidémies mondiales ?

Mieux connaître pour pousser à mieux agir

Comme tout le monde commence à le savoir, les défis qui nous attendent sont colossaux. La planète est à bout de souffle : sols et eaux polluées, ressources épuisées, extinction d’espèces, effondrement de la biodiversité et changements climatiques.
Qu’espère-t-on de Macron, Bolsonaro, de l’UE ou du G8 ? Sans pression populaire, certains diront rapport de force ou même lutte des classes, ils ne bougeront pas, tenus par leur idéologie.
Les médias devraient jouer leur rôle de lanceur d’alerte, pourraient être importants dans l’explication des phénomènes et des gens se succèderaient dans des tribunes ou plateaux pour donner leur solution. Si on parle des médias dominants, il y a de quoi être déçu (scandalisé) par tant d’ignorance ou d’absence d’explications systémiques. Heureusement, il existe toute sorte de canaux permettant de réellement s’informer (presses syndicales, médias indépendants, revues scientifiques…). Mais, on doit l’avouer, ce n’est pas toujours simple de s’y retrouver.

L’Education Nationale : centre de formation de la résilience

Il faut avoir conscience que l’Education Nationale a toujours eu un rôle primordial pour faire émerger une volonté et une façon de voir les choses, et ce dès le XIXe siècle : pour le meilleur (idée républicaine, luttes contre les intolérances) ou pour le pire (esprit colonial ou belliciste). Quand on voit la façon dont certains politiques cherchent à utiliser certaines matières (Histoire, EMC, SVT…), on sent que cette question est pertinente.
Il ne s’agit pas de dire ici que les programmes ne parlent pas ni d’écologie, ni des risques liés à la destruction de l’environnement, ce serait malhonnête de le dire. De nombreux thèmes dans de nombreuses matières évoquent ces questions. Il faut également rappeler que les enseignants usent de leur liberté pédagogique et que la majorité d’entre nous évoquent largement les enjeux environnementaux au-delà même de ce que les programmes préconisent. Mais, il faut faire plus. La survie de l’humanité mérite plus de formation.

Les enjeux environnementaux : fil rouge des programmes ?

Il faut donc développer ces questions dans les programmes et mettre de la cohérence. On peut mesurer le chemin parcouru dans la dénomination de certains termes. Celui de « développement durable » laisse peu à peu sa place à celui de « transition écologique ». Ce dernier est clairement imparfait et pose des questions scientifiques. Cependant, il est tout de même préférable au « développement durable » qui essayait de faire croire que le modèle existant pouvait perdurer simplement en l’aménageant un peu : on va partager et faire attention à ne pas détruire l’environnement mais on va continuer à croître à l’infini. Pour rappel, le développement durable répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Il s’appuie sur 3 piliers : économique, social et environnemental. Sauf que croître dans un monde fini relève du passe-passe, du greenwashing ou de la foi. Le développement durable a cette tendance lourde à faire croire que tous les voyants peuvent être verts en même temps et en oubliant les conflits entre les différents « développements »(voir encadré sur le projet de plateforme logistique d’une entreprise de e-commerce à Sens). Il n’interroge pas non plus la notion même de besoin : le besoin de se nourrir ou d’être livré en 24h de l’Iphone XX ?
Il a pourtant quelques vertus : il aborde le fait qu’il y a bien un enjeu majeur de destruction environnementale (et d’inégalités) et il constituait un fil rouge (maladroit souvent) dans les programmes de géographie par exemple.

Ce qui devrait être fait dans les programmes ne peut pas non plus s’arrêter à quelques matières. Ces enjeux doivent être partagés et vus de façons diverses par toutes les disciplines. C’est un état d’esprit qu’il faut inculquer aux élèves. Ces programmes doivent aussi dessiner dans la tête des élèves, un futur désirable. Il y a un monde à inventer et les arts et la philosophie auront donc un rôle majeur par exemple. Le but n’est pas ici de faire un catalogue par matière des choses à faire. Cela appartient à chacun.e de proposer des choses nouvelles ou des expériences au collectif. Engageons une réflexion à l’intérieur de nos matières et de nos établissements. Chez une partie des élèves, c’est une volonté déjà très présente comme en témoigne la tribune du mouvement « Youth for climate » publiée dans le JDD qui réclame « l’instauration d’un créneau horaire d’au moins une heure par semaine, et le renforcement interdisciplinaire de l’enseignement des enjeux environnementaux ne sauraient se concrétiser dans les conditions actuelles des moyens donnés aux établissements, professeurs et élèves. Il est donc nécessaire, entre autres, d’assurer sur ces sujets une formation complète et plus approfondie des professeurs, un accompagnement des établissements et des équipes pédagogiques et une aide financière pour les projets des élèves menés dans le cadre de cet enseignement ».
Au-delà du fond, il faudra aussi s’interroger sur la forme et sur nos pratiques. On le constate depuis de nombreuses années et on subit parfois son accélération depuis le début de la crise, le numérique au sens large prend une place de plus en plus prépondérante dans notre pédagogie, pour le meilleur mais souvent pour le pire en terme de bilan écologique et d’accentuation des inégalités entre élèves et établissements. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce thème.

Quoi qu’il en soit, la réflexion sur les programmes, bien que très importante n’est qu’une partie infime d’un débat beaucoup plus large, à l’intérieur de l’Education Nationale d’abord, des services publics ensuite et enfin de la société toute entière. Nous ne ferons pas l’économie d’un changement radical de système économique et social. Il faut tirer les conclusions de l’unanimité scientifique sur la catastrophe qui vient et réellement être conséquent. Cela ne doit pas nous empêcher d’entamer des démarches individuelles et collectives au sein de notre profession.

STOP PANHARD, non à la réintoxication ! Pour des terres à planter et non à bétonner !

Samedi 17 avril, à Sens, quelques militants FSU se sont joints à 250 autres manifestants de diverses organisations politiques, syndicales ou d’associations pour protester contre un projet de la société Panhard. Cette entreprise soutenue par la municipalité de droite de Sens souhaite implanter une plateforme logistique pour accueillir un géant du e-commerce. Le projet est gigantesque : 40 hectares de terres agricoles seraient ainsi détruits par ces immenses entrepôts. Cela ferait aussi exploser le trafic routier nuisant encore plus à la qualité de l’air. Voilà pour les conséquences environnementales désastreuses qui ne souffrent d’aucun débat malgré les mesures « compensatoires » (comprendre « greenwashing ») mises en avant (panneau solaire, plantation d’arbres…). Sur le plan social, les conséquences de cette ouverture sur les petits commerces sont bien connues. Les associations estiment que pour un emploi créé dans ces entreprises, plus du double ferment dans le même temps. Pourtant, cet argument de l’emploi, ce chantage est mis en avant par les soutiens du projet. Mais de quel emploi parle-t-on ? C’est un fait connu aussi : chez le géant Amazon, les emplois sont précaires et les conditions de travail sont très difficiles !
On le voit ici, l’argument économique et l’enrichissement de certains entrent en conflit avec les enjeux sociaux et environnementaux.

Arnaud Munsch