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Tribune libre

A la manif, on a causé Europe

Par Patrick Picard

paru le mardi 3 mai 2005

Le projet de TCE fait débat à la FSU 89 comme dans toutes les autres organisations syndicales. Nous avons décidé, dans le département, de permettre l’expression, sur ce sujet, de ceux qui, parmi nous, souhaitaient individuellement donner leur avis.

Le texte ci-dessous a été publié dans le bulletin POUR 89, spécial débat sur le TCE.


Quand je vais dans une manif, j’en profite toujours pour faire causette un peu avec les collègues que je n’ai pas vus depuis quelque temps. Vous savez, ceux qu’on appelle les "syndiqués de base", qui paient leur cotisation rubis sur l’ongle, qu’on voit peu et qu’on entend peu, soit parce qu’ils sont bien occupés dans leur vie, soit parce qu’ils font confiance aux "dirigeants syndicaux". Mais ceux qui donnent au syndicat les moyens de son expression et de son action.

Alors, dans les deux dernières, j’ai causé du référendum, en posant la question directement : « Et toi, penses-tu que le syndicat doive donner une consigne de vote pour le référendum sur le projet de traité européen ? ».

Et là, ça calme.

Pour plus des deux tiers (chiffre non soumis à la scientificité de la SOFRES), bouche étonnée ou regard interrogateur... Je vous résume : « Le boulot du syndicat, c’est de dire ce qu’il pense du texte et du projet, d’aider à analyser les dangers, les risques, les reculs. Pour le reste, qu’on arrête de nous prendre pour des débiles. On est capables de faire la balance et de se décider comme des grands ».

Pour être honnête, j’ai aussi rencontré des militants pour qui, c’est sûr, la victoire du Non doit être la revanche sur les insuffisances et des défaites des mouvements sociaux des années passées, et qu’il faut donc bien que tout le monde se rassemble sous la même bannière pour mettre un grand coup de poing dans la gueule de Raffarin.

Alors, camarades-qui-savez-toujours-bien-ce-qu’il-faut-expliquer-aux-masses-et-ce-qui-est-bon-pour-elles, sachez que je ne vous suis pas sur cette voie simpliste : je ne souhaite pas que mon syndicat appelle à une consigne de vote.

Respecter les syndiqués, c’est faire toute la lumière sur les risques du traité européen. Pour mémoire : Le SNUipp "exprime un profond désaccord avec ce projet de texte qui risque de renforcer le dumping social et la précarité. Il met en garde contre le caractère quasi irréversible des reculs que son adoption apporterait". La FSU "affirme son profond désaccord avec le projet de constitution qu’elle condamne".

Alors, pour ceux que mon vote personnel intéresse, j’irai sans doute voter "Non" après avoir tout bien pesé, pas sûr d’avoir tout à fait raison, mais assez convaincu par les arguments de ceux qui pensent que le texte soumis à ratification n’est en rien une constitution, mais un pur texte idéologique.

Mais sans jeter l’anathème sur ceux qui pensent autrement, les traiter de noms d’oiseaux ou de benêts suivistes.

Pour sortir du picrocholin débat syndicalo-syndical français, il suffit de lire ce qu’écrivent les syndicats des autres pays européens, DGB et DBB allemandes (10 millions d’adhérents), CGIL italienne (5 millions d’adhérents), CCOO et UGT espagnoles (1,5 millions d’adhérents peu suspects de sympathies pro-libérales) : toutes dénoncent les risques et insuffisances présentes dans le projet de texte, mais appellent à voter Oui !

Alors, à mes amis donneurs d’ordres, ceux pour qui tout est simple, noir ou blanc, gentils ou méchants, purs ou traîtres, je demande une petite pause !

Comme l’écrit l’une des excellentes contributions de syndiqués à la préparation au congrès du SNES, "s’il y avait un appel à lancer, ce serait l’appel à un syndicalisme français moins éparpillé", mieux capable d’être force de proposition et de mobilisation, suffisamment crédible pour donner envie à nos concitoyens de s’y associer.

Et pour ça, il y a encore du boulot...

Patrick PICARD