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Mars 2009 - Collège de Quétigny : Ecole en danger, Collège en danger !

témoignage et analyse de la situation au collège de Quétigny par les personnels d’enseignement et d’éducation du collège

paru le mercredi 25 mars 2009

Les dernières semaines ont été difficiles au collège, un certain nombre de collègues ont été mis en difficulté et n’ont pas pu continuer à faire leur travail normalement.

Nous ne sommes pas dans un établissement particulièrement chaud, l’équipe pédagogique est performante, les résultats du collège sont plus qu’honorables. Et pourtant, deux de nos collègues se sont arrêtés et chacun nous ressentons les mêmes tensions en cours, en vie scolaire…

A qui la faute ?

La réponse est loin d’être évidente. Qui doit-on blâmer, les parents, les élèves, les professeurs, la vie scolaire, la direction ? Il est tentant de se renvoyer la balle les uns, les autres. D’ailleurs, c’est déjà le cas et en pareille situation c’est une logique à bien courte vue.
Si l’on en croit ce qui nous a été rapporté au dernier conseil d’administration, un certain nombre de parents d’Arc-sur-Tille auraient demandé au Conseil Général l’ouverture d’une ligne de bus à destination de Chevigny. La situation est-elle réellement différente à Chevigny ?

Beaucoup de collègues demandent plus de fermeté vis à vis des élèves qui nous posent des problèmes. Mais va-t-on exclure ceux qui justement ont plus que les autres besoin de l’école pour s’intégrer dans une société de moins en moins accueillante pour les jeunes ? Va-t-on revenir quelques années en arrière et il n’est pas si loin le temps où le surveillant général usait régulièrement de la baguette ?
La vie scolaire, en particulier les assistants d’éducation, rencontrent les plus grandes difficultés à gérer les élèves que les professeurs ne peuvent plus garder en cours. Dans le même temps on leur confie de plus en plus de missions pédagogiques pour lesquelles ils sont démunis et jamais formés. Faut-il privilégier l’un ou l’autre de ces deux aspects du métier d’assistant d’éducation, en espérant parvenir à une meilleure efficacité ?

En revanche, les enseignants ont de plus en plus de tâches administratives et sont plus que jamais confrontés à des élèves aux difficultés multiples et pour lesquelles un collège n’a pas de solutions satisfaisantes. Ces élèves ne trouvent pas les structures et les remédiations dont ils auraient besoin, ils explosent dans le système éducatif courant. Nous sommes alors contraints de faire au mieux et c’est l’ensemble qui en souffre, la qualité de nos enseignements, la qualité de vie au collège.

Que pouvons-nous faire au-delà de lancer un cri d’alarme ?

Face à cet ensemble de difficultés, le premier réflexe est donc effectivement de nous tourner les uns face aux autres et le système y contribue largement. C’est la logique des réformes mises en place par Mr Darcos. Nous sommes de plus en plus à nous voir confier des missions qui sortent de nos pratiques habituelles et pour lesquelles nous ne sommes pas formés. Les enseignants certifiés et PLP qui doivent prendre en charge des classes de SEGPA en anglais, en sport, en technologie et en formation professionnelle ne bénéficient pas de la spécialisation, de la formation des professeurs des écoles spécialisés enseignant en SEGPA. Les assistants d’éducation et les personnels précaires, recrutés en contrats avenirs ou autres, prennent en charge nombre d’élèves dans le cadre de l’aide au devoir ou des aides au travail personnalisées, mais ils n’ont aucune formation à la pédagogie, à la prise en compte des difficultés scolaires.

Des difficultés en SEGPA

C’est une lettre de l’équipe pédagogique qui encadre les 4ème SEGPA qui pose le plus fortement cette problématique. Cette équipe est à la fois composée de professeurs des écoles qui ont la spécialisation pour enseigner en SEGPA, de professeurs d’enseignements professionnels qui n’ont pas de spécialisation et qui ont passé un concours pour enseigner en lycée professionnel et d’enseignants certifiés qui eux non plus n’ont pas été formés pour prendre en charge des élèves de SEGPA. Ce courrier fait état des difficultés de l’équipe à faire face à un groupe classe très hétérogène. Effectivement, parmi nos élèves de SEGPA, certains relèvent de structures très différentes : IME, ITEP, EREA, Classe d’Accueil…
Les élèves vivent très mal ces associations ; les élèves qui relèvent normalement de la SEGPA se sentent stigmatisés, les élèves handicapés ont du mal à s’intégrer et vivent parfois des situations humiliantes et lors desquelles ils peuvent se mettre ou être mis en danger. Dans ces conditions il est très difficile de faire évoluer un groupe classe qui est bien souvent à la limite de l’explosion. Les enfants, qui n’ont pas la maturité pour gérer et relativiser ces différences, expriment leur malaise par des stratégies d’opposition qui se ressentent sur l’ensemble du collège. Il faut aussi rappeler que ces classes de SEGPA suivent aussi des enseignements professionnels au cours desquels ils sont amenés à manipuler des outils dangereux, des couteaux. L’agitation, le non respect des règles qui se manifestent dans ces classes sont inquiétants et ne permettent pas de garantir la sécurité de tous.

L’accompagnement éducatif.

Depuis le début de l’année, l’accompagnement éducatif doit permettre de prendre en charge les élèves à la fin des cours et pendant la journée sur les temps de repos. Le collège a reçu une « généreuse » dotation en moyens horaires et financiers pour mettre en place cette nouvelle disposition. L’objectif est de proposer une aide aux devoirs, différentes activités sportives et culturelles, aux élèves que les parents ne peuvent accompagner eux-mêmes. Ce dispositif repose essentiellement sur la vie scolaire et les assistants d’éducation, les deux personnes recrutées en janvier sur la base de contrats aidés venant les renforcer quelques heures par semaine.

Après quelques mois, nous pouvons nous rendre compte des difficultés soulevées par ce dispositif. Dans un premier temps les collègues ont accueilli ces nouvelles missions d’accompagnement de façon positive. Il est vrai que c’est une réelle valorisation de leur métier. Mais l’absence de formation pédagogique pose problème et finalement met tout le monde en difficulté. Comment conjuguer les tâches traditionnelles dévolues à la Vie scolaire, gestion des absences, organisation de la demi-pension, surveillance, gestion des permanences et l’accompagnement éducatif ? Alors certes, nous avons pu bénéficier de la création d’un poste et demi d’assistant d’éducation et d’un poste de CPE, mais pour près de 800 élèves c’était de toute façon légitime. Aujourd’hui pour répondre à la demande générée par l’aide aux devoirs, il faudrait que les Assistants d’éducation acceptent de faire des heures supplémentaires. Mais voilà, ils ont déjà des emplois du temps très chargés, 37h30 pour un temps plein, les études en parallèle. Il s’avère qu’ils ne peuvent pas augmenter leur temps de travail. Il n’est pas souhaitable non plus que nous ne recrutions plus d’étudiants à ces postes. Certes, ils pourraient accomplir plus d’heures, mais nous perdrions cette spécificité du métier d’assistant d’éducation qui reste une préparation, une expérience positive pour beaucoup de futur enseignants, éducateurs…

En ce qui concerne l’accompagnement éducatif, il faut aussi préciser son importance dans le contexte de disparition de la carte scolaire. L’accompagnement éducatif apparaît dès lors comme un argument pour rendre compétitif les établissements. Il s’agit effectivement de convaincre les familles du dynamisme, de l’efficacité des établissements. Les collèges ont peu de marge de manœuvre pour se distinguer les uns des autres. Les programmes sont les mêmes que l’on soit à Carnot ou à Quetigny. L’accompagnement éducatif est laissé à l’appréciation de chaque établissement, dès lors ils peuvent proposer une vitrine différente et tenter de convaincre les familles de leur qualité. En ce qui nous concerne, nous sommes directement menacés par notre réputation et nous risquons dès l’année prochaine de constater une fuite vers des établissements de centre ville.

La mise en concurrence des établissements conduit la mise en œuvre de politiques contestables. Le choix au collège de proposer des IDD aux élèves de 6ème et non plus aux élèves de 4ème s’inscrit parfaitement dans ce processus. Il est question de rendre le collège attractif et non pas de répondre à des questions pédagogiques. Cette concurrence est insupportable et encore une fois on fait reposer une grande partie de la politique d’établissement sur des personnels peu formés, précaires et dont ce n’est de toute façon pas le métier en ce qui concerne les CPE et les enseignants.

Le mélange des missions.

On demande aux enseignants de prendre en charge de plus en plus de missions annexes, de nature diverses, administratives, d’orientations, de suivis des élèves. Ces missions sont nécessaires, souvent déterminantes dans la bonne marche d’un établissement et dans la scolarité des enfants. Ces missions sont bien souvent celles d’autres métiers. Le suivi d’orientation qui est au cœur du métier des conseillers d’orientation psychologues est de plus en plus imposé aux enseignants. Et alors même que tous nous dénonçons les dangers du système, les conseillers d’orientation psychologues sont menacés plus que jamais. Il faut aussi préciser que ces tâches s’accomplissent au détriment du métier d’enseignant dont les missions d’origines sont : former, éduquer, instruire.

On demande dans le cadre de l’accompagnement éducatif aux assistants d’éducation, aux personnels en contrat avenir d’assumer des suivis d’élèves. On fait là des économies au détriment de la qualité de l’école, on remet en question les fonctions et les qualités professionnelles des uns et des autres alors même qu’on prétend redonner aux personnels de l’éducation nationale une place respectée dans notre société. Ce n’est pas encore le cas au collège de Quetigny, mais un certain nombre de médiateurs vie scolaire ont été recrutés dans notre académie et feront dans quelque temps le travail des assistantes sociales scolaires et des CPE. Quel respect pour ces personnels précaires et jamais formés ? Quel respect pour les cadres de la fonction publique ?

Le gouvernement a préféré l’accompagnement éducatif aux dédoublements de classes. Il préfère proposer l’aménagement du cursus général aux structures spécialisées. Nous multiplions les PAI, les PPS, les ATP, les formules éducatives à la carte, de façon à maintenir les élèves en difficulté dans le cursus général. C’est un leurre, les personnels qui ont en charge ces groupes scolaires de plus en plus disparates ne sont pas formés pour et de toute façon la taille de ces groupes empêche la mise en place de pédagogies réellement différenciées. Cette organisation des aides fonctionne mal, tout le monde en pâti. Lutter contre les discriminations et en particulier permettre à tous, quelles que soient les différences, les difficultés, de suivre une scolarité la plus normale possible est sans aucun doute une ambition des plus louable. Toutefois, ce n’est pas en niant les problèmes, les situations des élèves, qu’elles vont s’effacer, que nous serons à même de les accompagner dans une progression positive. En conclusion, les élèves sont mal accompagnés, les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, les assistants d’éducation et les personnels précaires culpabilisés.

Cette politique est appliquée de façon transversale dans l’ensemble de l’éducation nationale, de la maternelle à l’université. Concurrence, compétitivité, productivité valeur ajoutée, voilà les maîtres mots des réformes appliquées par Monsieur Darcos et voulues par Monsieur Sarkozy. Nous ne pouvons les accepter et refusons de laisser nos missions de service publique dominées par les logiques d’entreprises.

Au contraire, nous demandons :

- L’affectation d’un professeur d’anglais ayant reçu la spécialisation pour l’enseignement spécialisé option F.

- La conservation complète des heures ainsi libérées pour les enseignants en Anglais sur la DGH de façon à dédoubler les cours de langue sur le niveau 4ème.

- Une formation adaptée pour les enseignants certifiés et PLP qui le désirent et souhaitent intervenir en SEGPA.

- Une formation à l’accompagnement pédagogique pour les assistants d’éducation et les personnels précaires qui interviennent dans le cadre de l’aide aux devoirs.

- La consolidation des contrats précaires, la formation de ces personnels.

- L’affirmation des missions de chacun et la reconnaissance des savoir faire de tous les métiers de l’éducation nationale.

- Le maintien de la carte scolaire.



Alexandre VANESSE (CPE) et le S1 du collège Jean Rostand à Quétigny

A l’origine, ce texte a été écrit pour informer les membres du Collectif de Quétigny, pour la défense de l’Ecole Publique, de la maternelle à l’Université : voir leur blog