SNES-FSU 21
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Accueil > Côte-d’Or > Actions syndicales > 15 Décembre 2010 : compte-rendu de l’audience intersyndicale sur la (…)

Etaient présents :

Pour le Rectorat

M. JOLIVOT, Bernard THERAZ : chef de service de la DAEFOP, Martine PAUL Secrétaire-Adjointe de l’Académie

Pour l’Intersyndicale

FCPE (Michel FALLET), FSE (Antoine GODICHON), UNEF (Damien DEIAS), CGT (Yasmina SOLTANI), SGEN (Aline NICOLE), CNT (Armelle FORT), FO (), SNES (Isabelle FARIZON), SNUipp-FSU (Dominique GUIDONI STOLTZ), SNESUP (L. MAUREL), SE-UNSA ( ?)

NB : sauf pour la FCPE, la CGT et le SNES, les représentants étaient tous des intervenants directement concernés par la réforme car travaillant à l’Université ou à l’IUFM.


En début de séance, Armelle FORT, en tant que déléguée des professeurs stagiaires, remet une pétition des personnels et usagers de l’IUFM, pour le retrait des décrets et l’abrogation de la réforme.

Dominique GUIDONI-STOLTZ (FSU) introduit la réunion : l’an dernier, il y a eu une forte mobilisation des enseignants contre la réforme du recrutement ; sous la pression, celle-ci a été reportée, à la suite de quoi des groupes de travail et de réflexion se sont créés et ont donné lieu à différents rapports. Mais le 13 Novembre dernier, un nouveau projet est sorti qui n’a tenu aucun compte des discussions antérieures, et qui a fait l’unanimité contre lui, y compris de la part des Présidents d’Université. L’audience a été demandée au Rectorat pour pouvoir s’adresser aux représentants de l’Etat et lancer un état d’alerte public sur la formation des enseignants qui est en danger dans ce pays. Il faut tout remettre sur la table et rouvrir des concertations, sinon l’avenir de l’Education va être très sombre contrairement à ce qui est dit dans les media.

Chaque représentant a ensuite argumenté contre la réforme (tour de table) :

 UNEF : ils sont très surpris de ce projet, car il n’a tenu aucun compte des revendications de l’année dernière ; c’est la pire solution qui est choisie avec le recrutement au master 2 : le concours devient inaccessible à la majorité des étudiants ; pour les stagiaires 108 h , ce ne sera pas une vraie professionnalisation, et le stage les empêchera de préparer le concours dans de bonnes conditions ; la situation est explosive sur la campus, car l’unité intersyndicale est plus forte que l’année dernière.

 SE-UNSA : la réforme présente deux dangers majeurs ; un danger social (allongement des études donc plus de frais pour les étudiants), un danger professionnel (disparition de la formation pédagogique qui doit être complémentaire avec la formation disciplinaire).

 FSE : rajouter une année supplémentaire non rémunérée pose un gros problème financier, surtout dans un contexte de disparition des bourses et des aides sociales : c’est incohérent avec la réforme LRU, et les disparités entre les Universités seront encore plus creusées. L’année de M2 va devenir invivable : si les étudiants veulent avoir leur concours, ils ne pourront pas faire le stage. Les étudiants refusent la masterisation car ile ne veulent pas de profs avec différents statuts et différentes formations dans les établissements d’enseignement, surtout que l’on va vers un système où les Chefs d’Etablissement vont avoir de plus en plus la liberté de choisir les enseignants.

 SNESUP : la FSU défend une position : en rajoutant une année de qualification, la formation gagnera en qualité. Mais l’opposition est claire sur les recrutements : pour faire face à la diversité des publics scolaires et relancer la démocratisation de l’enseignement, il faudrait au contraire augmenter la professionnalisation des futurs enseignants. Vouloir les mettre sans formation devant des élèves témoigne d’un mépris pour ces derniers : ceux qui ont le plus besoin d’école doivent avoir devant eux des enseignants bien formés. Il faut renégocier la réforme et maintenir des épreuves didactiques aux concours. Il ne faut pas que ce soit les CA qui décident du recrutement et des conditions de formation professionnelle des futurs professeurs.

 CNT : cette réforme crée un tri social parmi les futurs enseignants : que deviendront les étudiants qui auront le master mais pas le concours ? Ils formeront un bataillon de vacataires corvéables à merci pour effectuer les remplacements. C’est augmenter la précarisation du corps enseignant. Comme le stage en responsabilité n’est pas obligatoire, cela met en danger la formation initiale, mais cela atteindra aussi la formation continue si les IUFM disparaissent.
FO : ils sont contre la masterisation car cela change les critères de recrutement de BAC +3 à BAC +5, sans garantie que les deux années supplémentaires apporteront une formation qui préparera mieux au métier. Le projet présenté est trop discutable, il faut abroger les décrets et tout remettre à plat. L’heure est grave car c’est la première fois dans l’histoire que la formation disciplinaire est déconnectée des concours ; cela risque effectivement de créer des profs qualifiés mais non titulaires qui seront vacataires : ce n’est pas acceptable.

 CGT : on est loin de l’espoir de démocratisation des recrutements d’enseignants ! on sacrifie des générations d’étudiants et d’élèves sur l’autel de la RGPP : le but est de casser le statut du professeur stagiaire. Les étudiants démarreront leur carrière à BAC +5 sans avoir la garantie d’aucun recrutement ! On voit déjà ce que donne l’introduction de vacataires dans les établissements : des difficultés de tous ordre, professionnelles et humaines. Une autre réforme est possible, avec un recrutement à bac +3 et deux années de formation complémentaire à l’IUFM.

 SGEN : si on veut une formation de qualité, il faut deux années en IUFM. Le gouvernement tient un double langage : les négociations sont faussées car on n’en tient pas compte, et on publie les projets à la veille des vacances de Noël pour limiter les réactions. Ce projet va recréer la catégorie des M.A. qu’on a mis 20 ans à résorber…
Maintenant les questions sont : qui va faire les stages ? Sur quel temps ? Que deviendront les recalés au concours ?

 SNES : le consensus syndical qui s’exprime ici aujourd’hui témoigne de l’aberration que représente ce projet ; le SNES était favorable à l’allongement de la qualification au master car la maîtrise disciplinaire est la base d’un bon enseignement ; le but était aussi d’élever le salaire des enseignants à la hauteur de leur qualification. C’est l’inverse qui va se produire, car l’allongement de la durée des études ne s’est pas accompagné d’un pré-recrutement rémunéré (type IPES) que le SNES demandait. Sur le terrain, les professeurs en poste se demandent ce qui va se passer : ils ne souhaitent pas voir les collègues stagiaires en difficulté car tout l’établissement pâtit ensuite des conséquences lorsqu’une classe est mal prise en mains. Les professeurs d’EPS sont particulièrement inquiets car le conseil pédagogique est chez eux fortement ancré, plus que dans d’autres matières ; ils ne conçoivent pas de ne plus accompagner leurs jeunes collègues dans l’apprentissage du métier. Il n’y a pas de réflexion profonde derrière cette réforme qui est proprement budgétaire, avec les suppressions de postes, et idéologique, avec la fermeture des IUFM : le but est de discréditer l’enseignement public de la maternelle à l’Université pour laisser l’excellence se développer dans des écoles privées.

 SNUIPP : avez-vous mesuré les conséquences de cette réforme en terme de gâchis pédagogique ? Certes, il faut un haut-niveau de qualification même pour enseigner à de jeunes enfants, mais qui accompagnera les lauréats nouvellement nommés ? C’est une remise en cause du rôle et de la place du Conseiller pédagogique, car il n’y aura plus de temps laissé à la réflexion sur le métier : enseigner, çà s’apprend, et cela ne peut se réduire à une transmission de savoirs savants : l’analyse de la pratique va disparaître, et même les inspecteurs sont inquiets sur leur rôle d’accompagnement pédagogique. La baisse de qualité de l’offre du service public d’éducation va desservir les 20% d’élèves en grande difficulté. Le métier d’enseignant est stressant et complexe : on ne se permettrait pas d’accorder à un médecin le droit de soigner sans formation, ou à un pilote d’avion, le droit de voler sans formation, et on le fait avec les enseignants ! Enfin, le grand emprunt doit servir à financer les universités, mais on ne met pas d’argent dans la formation des enseignants : où est la cohérence ? Maintenant l’urgence est de rétablir l’année de stagiaire en alternance pour ceux qui passent le concours cette année.

 FCPE : on a l’impression que les établissements scolaires vont devenir des entreprises d’enseignement mais qui ne formeront pas leurs personnels spécialisés !! Le temps des Ecoles Normales est loin, où la formation était rémunérée et comptait dans la carrière ! On ne peut pas enseigner qu’avec des savoirs, il faut aussi des savoir-faire. Les parents d’élèves sont inquiets de la casse du service public d’éducation.

La conclusion est formulée par Yasmina SOLTANI (CGT) :
Il est notable et révélateur qu’il y ait convergence dans les constats et les revendications entre syndicats différents :
Il faut : retirer les décrets, rouvrir les négociations, maintenir l’année de stage pour la rentrée 2010.

Réponses des représentants de l’Etat :

 Ils ont écouté avec attention, pris note des multiples doléances et revendications qui seront transmises à la Rectrice. Ils n’ont pas de réponses à apporter dans l’immédiat.

 L’idée est de maintenir un stage de pratique accompagnée en binôme ou trinôme avec un tuteur dans la classe d’un collègue ; le stage en responsabilité se fera toujours sous le contrôle d’un professeur référent rémunéré (mais sera-t-il l’équivalent du Conseiller pédagogique ?).

 Les absences pour congés de maternité pourraient offrir une opportunité de stage de 108h sous forme de remplacement. Déjà aujourd’hui, les professeurs en formation peuvent faire valider un remplacement comme stage pratique (plusieurs réactions étonnées des représentants syndicaux : on le découvre !!)

 Parmi les 6000 candidats au concours, les personnes intéressées par l’enseignement pourraient effectivement servir de vivier pour les remplacements.

Plusieurs réactions vives des représentants syndicaux (CNT, FSE, FCPE, UNEF) :

Ce système est stupide car on donne ces remplacements sans tenir compte de la formation : un étudiant en italien pourra ainsi se voir proposer un remplacement en Histoire-géo ! On veut seulement mettre un adulte en face des élèves. Avec 108h de stage seulement, les futurs enseignants pourront-ils se former au métier sur les trois cycles de l’école maternelle et élémentaires ? Ce n’est pas parce qu’on a un master de recherche en archéologie classique qu’on saura comment apprendre à lire à des enfants ! La formation actuelle n’est pas totalement satisfaisante, mais elle arme quand même les futurs enseignants pour débuter dans le métier !

Réponses des représentants de l’Etat :

Si les candidats au concours sont étudiants, leur formation se fera sous forme de stages en partenariat avec l’université, sous forme d’observation, puis de pratique accompagnée. Il y aura peu de stages en responsabilité dans ce cas. Si les candidats au concours ne sont pas étudiants, on leur proposera des stages en responsabilité avec un statut de vacataire : 90% d’entre eux sont motivés par l’enseignement, et ils apprendront grâce au compagnonnage. On peut construire un compagnonnage sur trois ans, avec une formation en alternance comme celle qui se fait pour les personnels d’encadrement, qui fonctionne bien.

Réactions syndicales au concept de compagnonnage :

 FO : on précarise de plus en plus ; le compagnonnage a toujours existé, mais on n’a jamais fait reposer la formation des enseignants dessus !

 SNESUP : le compagnonnage est ici un mot galvaudé : le compagnon est pendant un an, journellement, en compagnie de son maître dont il observe la pratique du métier, en particulier les gestes techniques afin de les reproduire ensuite. Mais les élèves ne sont pas de bouts de bois qu’on peut façonner avec quelques gestes bien maîtrisés : les stages en responsabilité n’auront rien à voir avec le compagnonnage, car le professeur référent ne sera pas aux côtés du stagiaire. Ce ne sera même pas forcément un professeur de l’établissement !

 FSE : plus de 50% des étudiants sont salariés. Comment feront-ils pour se libérer pour faire des stages ?

 UNEF : c’est admirable que l’administration centrale soit convaincue de l’efficacité d’un tel dispositif ! Mais un blocage des maquettes est sans doute à prévoir cette année encore, car sur le terrain personne ne veut de cette réforme, même pas les Présidents d’université !

Réponse de M. JOLIVOT :

Le problème de l’équilibre entre la formation disciplinaire et les stages doit être résolu par les maquettes. La volonté de hausser le niveau de formation des enseignants est un défi européen ; il faut donc arriver à concilier des stages d’observation en M1, et des stages en responsabilité en M2, tout en permettant de bien préparer le concours : la balle est donc dans le camp de l’Université !

Réactions syndicales à l’enjeu des maquettes :

 UNEF : Tout reporter sur les maquettes universitaires engendrera des inégalités, car il n’y a pas de cadrage national.

 SNUIPP : beaucoup de déception, car toute la réflexion de l’année dernière est oubliée ; on ne peut pas croire que tout se résoudra par la conception des maquettes de master.

 FSE : les maquettes de l’an dernier n’ont pas été prises en compte : il est donc illusoire de penser que cette année elles le seront ! La référence à l’Europe est illusoire aussi : beaucoup de contestations parmi les étudiants, tout le monde n’est pas satisfait, loin de là ! Des réponses aussi floues et fermées sont une insulte aux étudiants qui se sont mobilisés l’an dernier.

Fin de la réunion, dans une atmosphère tendue, les représentants syndicaux étant agacés par la langue de bois de l’Administration. Ils ressortent de l’audience après 2h de temps, sans avoir l’espoir d’une possibilité de rediscuter de ce projet de réforme.

Pour le SNES, Isabelle FARIZON