Accueil > S3 > Editorial > Déclaration préalable de la FSU au CTPA du 24 mars 2010

Madame le Recteur,

la tendance actuelle au sein de l’Education nationale est le développement lent et inexorable de l’individualisme et du mérite. Vous ne semblez pas y voir une contradiction avec la notion de service public et d’intérêt général mais pourtant les nombreux exemples de dérives constatées prouvent le contraire.

Au niveau des établissements pour commencer :
Leur mise en concurrence va en effet dans ce sens : si un établissement gagne des élèves c’est qu’il le mérite, si par contre il en perd, c’est qu’il ne fait pas le travail nécessaire pour les conserver. L’établissement est jugé dans ce système seul responsable de son taux d’attractivité même si de nombreux exemples depuis la mise en place de l’assouplissement de la carte scolaire démontrent le contraire. Les palmes que vous décernez aux collèges méritants ne font d’ailleurs que renforcer cette mise en concurrence.
Les dérives que nous constatons : les chefs d’établissement travaillent les uns contre les autres, il n’y a plus la possibilité de travail en commun sur un bassin de formation pour proposer une offre cohérente au service de l’élève. Nous gaspillons notre énergie à essayer, lors de journées portes ouvertes, d’attirer le client en présentant des couloirs fraîchement repeints, des taux de réussites à certains examens élevés, des photos d’élèves se délassant au Foyer etc... alors qu’il serait plus opportun de dépenser cette énergie à s’occuper des élèves en difficultés dans nos établissements.

Entrons maintenant à l’intérieur des lycées :
La réforme a développé la concurrence entre les matières : les chefs d’établissement annoncent aux équipes disciplinaires qu’il faut mériter des heures d’enseignement à effectif restreint ; certains collègues se battent essentiellement pour conserver des heures et donc des postes dans leur propre discipline.
Les dérives que nous constatons : là encore, il n’y a plus de solidarité entre les disciplines pour construire ensemble un projet cohérent pour l’élève.

Entrons encore un peu plus à l’intérieur des établissements :
La création de postes à profil individualise l’affectation qui se fait hors barème, selon le bon vouloir du chef d’établissement qui juge que tel ou tel collègue mérite le poste.
Les dérives que nous constatons : certains postes à profil ne sont pas créés, comme vous semblez le penser, au service d’un projet dans l’établissement donc au service de l’élève mais plutôt au service des personnes qui vont les occuper (électrotechnique à Eiffel)
L’augmentation du taux d’HSA a fortement accru la pression exercée individuellement sur chaque enseignant par les chefs d’établissement.
Quant au projet qui devrait permettre au seul chef d’établissement d’évaluer les enseignants, il ne fera qu’accroître la pression sur chacun d’eux : il est facile d’imaginer qu’il sera plus simple d’évaluer le nombre d’HSA acceptées plutôt que le contenu des séances pédagogiques. La qualité des enseignements ne semble d’ailleurs plus faire partie des priorités dans l’Education nationale. Les décisions que vous avez prises concernant les futurs stagiaires en sont une belle illustration : quand nos jeunes collègues vont se retrouver l’an prochain à préparer 18h de cours pendant 30 semaines sur 36, sans formation préalable, soyez assurée, Madame le Recteur, qu’elles seront moins bien préparées que les 6 ou 8h actuelles, faute de temps !
Et prenons l’exemple des remplacements de plus en plus assurés au choix, par des TZR d’une autre discipline, des vacataires non formés qui démissionnent après quelques semaines de cours, et peut-être même l’an prochain par des étudiants : finalement peu importe qui, pourvu qu’il y ait quelqu’un devant la classe. C’est le seul contrat qu’essaie de remplir l’Education nationale …
Toutes ces mesures (postes à profil, évaluation par le seul chef d’établissement, diminution du temps de formation des stagiaires, remplacements effectués par des personnels non qualifiés) nous incitent à penser que vous allez faire devenir les enseignants non plus des concepteurs mais des exécutants, chargés de remplir une multitudes de tâches autres que celles d’enseigner ! Quel beau service rendu aux élèves !
Nous vous laissons imaginer d’autres dérives possibles....

A cette montée de l’individualisme et de la « caporalisation » des enseignants s’ajoute la question des moyens :
 Sur les suppressions de postes, on a entendu quelques voix, ces dernières heures, critiques sur cette question même dans la majorité parlementaire, iront-elles jusqu’à un collectif budgétaire ? C’est ce que nous demandons.
 Sur les postes infirmiers, nous déplorons la persistance du critère numérique pour le choix des implantations proposées d’autant que ces 11 créations de poste sont loin d’être suffisantes.
En comptabilisant à égalité les élèves du 1er et du 2nd degré, cette obstination dans l’objectif de 1 poste pour 2000 élèves traduit une méconnaissance des besoins des élèves ce que les collègues traduisent comme une méconnaissance de l’importance des missions des infirmières dans les EPLE.
Et c’est à cette méconnaissance qu’elles attribuent la collaboration des services de l’Education Nationale avec ceux des Préfectures, pour l’application du plan vaccinal, qui a eu comme conséquence de détourner les infirmières de leurs missions auprès des élèves.

 Les suppressions d’emplois d’administratifs venant s’ajouter aux précédentes, correspondant à la disparition de nos missions, après les suppressions massives dans les EPLE puis dans les services académiques, aujourd’hui dans les CIO et encore les services académiques sont de la gestion purement comptable.
Les mutualisations-concentrations de certaines fonctions entre Inspections Académiques ou avec le Rectorat ressemblent fort à la disparition programmée dans un délai court des Inspections Académiques. Cela augure également de la concentration des services sur les Rectorats, sur des services inter-ministériels, voire même de l’externalisation vers le privé de certaines tâches.
Nous ne parlerons pas de conditions de travail, intolérables dans certains services.
La politique ministérielle consiste à concentrer, restructurer et au final à supprimer.

Toutes ces mesures ont des conséquences de plus en plus graves vis-à-vis des personnels et des usagers. Au regard des attaques multiples, je ne soulignerai que quelques exemples significatifs :
pour les personnels cela se traduit par une mobilité obligatoire ce qui réduit complètement la mobilité choisie. Cette année un exemple dramatique : les CIO. Toutes ces mesures successives touchent de nouveau plus particulièrement la Saône-et-Loire. Jusqu’où irez vous Madame le Recteur ?

Nous ne parlerons pas cette année des agences comptables…………….
Le nombre de Postes à Responsabilités Particulières (PRP) se développe chez les attachés (ADAENES). Jusqu’où ira notre Recteur ?
On peut s’interroger d’ailleurs sur la réalité de la séparation ordonnateur/comptable lorsque on en arrive à ce que ce soit l’ordonnateur qui choisit son comptable.
Le SNASUB est par ailleurs opposé à la politique de séparation gestion matérielle / agent comptable.

Et les élèves dans ce nouveau système ?
Pour l’élève en difficulté, dès la maternelle, on lui dit que cela ne va pas et qu’il doit rester plus longtemps que les autres à l’école pour avoir de l’aide personnalisée. Plus tard on ajoutera des stages de remise à niveau si cela ne suffit pas ; il faut qu’il acquiert le socle commun.
Le socle commun en poche, arrivera le moment pour chacun de s’orienter : là, ils ne seront plus informés que par l’intermédiaire d’enseignants non formés à cette mission ou de plate-forme téléphoniques. La suppressions de 5 COPSY sur 6 partis à la retraite ainsi que la suppression scandaleuse de 5 CIO en Saône-et-Loire sont des indicateurs infaillibles de cette tendance. Ils seront laissés seuls face à une multitude d’informations et seuls responsables de leurs choix (qu’ils soient bons ou mauvais).
Madame le Recteur, l’objectif de l’Education nationale n’est-il pas de proposer à tous les élèves de bonnes conditions de travail dans chaque établissement (pas seulement dans les plus méritants) ainsi que des enseignements et des projets de qualité proposés par des équipes travaillant collectivement (et non les unes contre les autres) ? Nous n’en prenons pas le chemin.

Fédération Syndicale Unitaire

Après cette déclaration la FSU a présenté un voeu qui a été adopté à l’unanimité des votants (l’administration ne prenant pas part au vote) :

"Toutes les organisation syndicales condamnent la réforme Chatel de la formation des maîtres et demandent son retrait.

Pour l’an prochain, ce qui est prévu par le rectorat consiste en un véritable sabotage de la formation des stagiaires, en réduisant celle-ci en dessous du seuil d’1/3 de service fixé nationalement par le ministre.
Cette application provoque une complète désorganisation de la formation et de la gestion des enseignants, déstabilisant de plus profondément les mouvements aussi bien départementaux qu’académiques par l’ampleur des supports nécessaires, notamment dans les zones géographiques les plus importantes pour les rapprochements de conjoints.

C’est pourquoi les membres du CTPA de l’Académie de Dijon, réunis le 24 mars 2010, demandent au Recteur le retrait des textes organisant la prochaine rentrée et la prolongation du système de formation des nouveaux enseignants stagiaires du 1er et 2nd degré en vigueur jusqu’en 2009/2010, en lien avec l’IUFM et basé sur une alternance hebdomadaire d’enseignement et de formation (globalement 1/3 de service d’enseignement, 2/3 de formation).

De plus, les membres du CTPA réaffirment que le remplacement est une question qui doit être du ressort d’enseignants titulaires confirmés et non transférée massivement sur des étudiants M2 ou des vacataires étudiants ou retraités."