Accueil > S3 > Editorial > La L.O.L.F. expérimentée dans notre académie

La Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) a été promulguée le ler août 2001 (unanimité à l’Assemblée nationale, moins l’abstention du groupe communiste). Elle a pour objet de définir, non seulement le cadre général des lois de finances, mais aussi les modalités de leur préparation, de leur adoption et de leur exécution (celles actuellement en vigueur sont issues de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959).

La mise en œuvre de la LOLF s’étale sur cinq ans, de 2002 à la loi de finances de 2006. Elle réforme profondément le fonctionnement de toutes les administrations de l’Etat, et touche les missions de service public (moyens affectés, organisation, conditions de travail et gestion des personnels de l’Etat).

Comment c’est fait ?

Aujourd’hui, le budget est présenté par nature de dépenses.
La LOLF, elle, crée un certain nombre de missions, vastes entités pouvant concerner plusieurs ministères, chacune traduisant une politique publique définie.

Ces missions sont composées de programmes qui regroupent les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère.

Les programmes sont découpés en actions et sous-actions. Par exemple, la mission Enseignement scolaire concerne 2 ministères (Jeunesse, Education nationale et Recherche d’une part ; Agriculture, Alimentation, Pêche et Affaires rurales d’autre part) et comporte 5 programmes :
 enseignement scolaire public du 2nd degré (6 actions) ;
 enseignement scolaire public du 1er degré (14 actions) ;
 enseignement !rivé du 1er et du 2nd degrés (12 actions) ;
 soutien de la politique de l’Education nationale (9 actions) ;
 enseignement technique agricole (4 actions).

Comment ça marche ?

A chaque programme est attribuée une enveloppe budgétaire. En est responsable un gestionnaire de crédits, libre de les redéployer en fonction des résultats attendus.

Ainsi les crédits affectés aux dépenses de personnel peuvent être diminués pour augmenter les dépenses de fonctionnement ou d’investissement.

Mais pas l’inverse : les dépenses de personnel votées sont des plafonds ; c’est pourquoi cette disposition est appelée fongibilité asymétrique des crédits. Nos législateurs organiques sont magiciens et poètes !

Pour chaque programme sera présenté un rapport annuel des performances faisant connaître :
 les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.
 la justification des mouvements de crédits et des dépenses constatées, en précisant, le cas échéant, l’origine des dépassements de crédits exceptionnellement constatés pour cause de force majeure.
 la gestion des autorisations d’emplois, en précisant, d’une part, la répartition des emplois effectifs, ainsi, d’autre part, que les coûts correspondants et les mesures justifiant la variation du nombre des emplois présents.

Ces projets et rapports de performances doivent devenir le support de l’examen de l’efficacité et de l’efficience des politiques publiques.

Et en clair ?

Tous les services de toutes les administrations de l’Etat sont touchés. En effet, chaque ministère et, dans chacun d’eux, chaque direction administrative, va devoir présenter des objectifs et justifier les résultats obtenus à partir des objectifs déclarés.

N’oublions pas que, chaque année, les crédits futurs seront conditionnés par les rapports de performance évoqués ci-dessus. Inévitablement chaque direction demandera à son tour à ses services de respecter les objectifs fixés et de « s’expliquer » sur les résultats obtenus.

Se dessine ainsi une gestion du service public dont le critère premier peut être résumé par un taux coûts/résultats ; l’intérêt de la collectivité et des usagers devient une pièce de musée.

En effet, la recherche du rapport coûts/résultats le plus faible possible risque fort de pousser à l’abandon de certaines missions jugées trop coûteuses pour des résultats faiblement quantifiables ou hors objectifs, de produire des inégalités sociales ou géographiques d’accès aux services publics, donc à la fois de diminuer leur efficacité sociale et de dégrader les conditions de travail de leurs personnels.

De nouvelles tâches syndicales

Dans ce nouveau cadre, le contenu des projets et rapports de performances, la nature des indicateurs seront déterminants sur la façon dont les gestionnaires de crédits exécuteront les lois de finances votées par le parlement.

Les tâches syndicales s’en trouvent élargies : à la bataille, classique certes, mais toujours difficile, menée sur le budget, il faut adjoindre celle, nouvelle, complexe mais indispensable, sur la nature et l’étendue des programmes, les critères retenus pour les projets et rapports de performance, la définition des indicateurs de résultat qui ne doivent pas se limiter au rapport coûts/résultats, mais inclure aussi les besoins sociaux.

Jean-Claude Cinquin